Titre : |
Sensible Moyen Âge : une histoire des émotions dans l'Occident médiéval / SCD |
Type de document : |
document électronique |
Auteurs : |
Damien Boquet (1969-....), Auteur ; Piroska Nagy (1968-...) , Auteur |
Mention d'édition : |
Prix Augustin Thierry, Académie française : 2016 : France |
Editeur : |
Paris : Éditions du Seuil |
Année de publication : |
2015 |
Collection : |
L'Univers historique, ISSN 0083-3673 |
Importance : |
1 vol. (467 p.-[12] p. de pl.) |
Présentation : |
ill. en coul., couv. ill. en coul. |
Format : |
24 cm |
ISBN/ISSN/EAN : |
978-2-02-097645-9 |
Prix : |
25 € |
Note générale : |
"Ainsi, le virus émotif accompagnant la pandémie a d’abord saisi chacune et chacun par un petit fond d’anxiété, dont témoignait le regard se dérobant au lieu de s’arrêter sur le passant … Liée aux voyages, aux transports, aux grands magasins et autres situations de foule, la peur s’est rapidement installée. En état sévère, elle est devenue une angoisse paralysante, touchant la couleur même du jour. Avec le Covid, le temps est sorti de ses gonds pour devenir un temps hors du temps, où tous les jours se ressemblent. Car l’arrêt soudain des activités – grande relaxation, ce n’est pas qu’un dimanche ! – a ébranlé toutes les bases de la vie sociale. Plus de café du coin, de discussion au marché, de flânage au parc ou de soirée entre amis. Les routines, trajets et gestes quotidiens qui nous ancrent dans la société ont peu à peu perdu leur terreau solide. 
Le Temps de l’Inconnu étend alors son empire comme le brouillard tombant sur la campagne, le contour des choses s’estompe en même temps qu’on perd la visibilité. Dans un monde sans axe ni horizon, blanc et flou, ne restent que les angoisses, les projections et les rêves fous.
Alors que présent et avenir se conjuguent à l’aveugle, le passé n’est plus : travail et revenus sont mis à l’arrêt pour une partie importante de la population. L’angoisse se transforme en indignation lorsqu’on découvre que la carte de crédit, elle, ne connaît pas de pause : des frais d’intérêts de 20% s’ajoutent aux impayés ! Voici l’une des vérités crues de ce monde, où tout un chacun est esclave des banques qui encaissent même nos salaires. Nous reviennent alors en mémoire ces prédicateurs médiévaux qui dénonçaient le gain contre-nature : plus que jamais, les banquiers font de l’argent avec le temps qui appartient à Dieu, comme aimait le rappeler Jacques Le Goff. Les banques s’enrichissent pendant que le commun s’appauvrit et craint de tout perdre. « À l’impossible nul n’est tenu », voici ce qui devrait être la devise des banques en temps de pandémie. D’où le mouvement montréalais, lancé à la fin du mois de mars :  Grève des loyers !
Monte alors la colère sociale … cette colère du juste, qui repose sur l’idée ancestrale de la possibilité, de l’existence immanente d’un ordre moral du monde qui ne se tient, on le sait, que parce qu’on se soucie les uns des autres. Nul horizon social sans bien et utilité communs. Or le monde du début du XXIe siècle ne connaît pas le commun ; pire, il le combat de toutes ses forces. Pourtant c’est la seule réponse possible à cette pandémie, qui révèle les inégalités en les accroissant. Le scandale planétaire éclate comme le virus, le scandale qui frappe aussi bien le pays le plus puissant de la Terre que l’Inde ou le Brésil, autrement plus désolants et pourtant si ressemblants dans leur délestage du commun et du pauvre. Un système mondial radicalement fou, fou dès la racine, se dévoile ainsi plus clairement que jamais dans l’atmosphère enfin non polluée. Ici, au Québec, son absurdité nous explose au visage, semblablement à la France : pour une province suffisamment agricole, l’absurde d’une absence de souveraineté alimentaire à 33% des besoins, pendant qu’on produit à l’exportation ! Mon fermier de voisin  n’a pas le droit de me vendre du lait. Nous dépendons, ici comme ailleurs, en médicaments et en produits manufacturés, de l’autre bout du monde. Ce système fou et immoral, en ce temps de crise, fait des grands États des pirates ...
À l’origine de la crise actuelle, on le sait maintenant, la mondialisation et ce qu’elle a créé d’inégalités sociales insoutenables et planétaires, étroitement liées à la destruction des écosystèmes et du monde : car pourquoi diable, sinon par misère, mangerait-on en Asie des pangolins ?! Le virus qui a envahi le monde par le chemin des voyages des choses et des gens – autant de marchandises, si l’on regarde bien ! – révèle la folie du monde. Cette folie qui, partiellement du moins, s’est enfin arrêtée ; à laquelle nous avons, nous aussi, contribué de mille façons, à laquelle nous sommes tous enchaînés. Regardons-nous bien en face, et nous aussi… arrêtons. 
La médiéviste en moi se souvient alors de la Grande Peste, qu’on aime regarder encore de loin comme un des phénomènes générant la Renaissance. Après la Peste – comme après la Covid – le monde ne sera plus jamais comme avant.
Suspendons donc notre souffle, puisqu’ enfin, même en ville, on entend les oiseaux. L’impensable est advenu : le monde, dans sa course folle, s’est arrêté – et ceci, miracle : par volonté politique. On peut donc trouver des manières collectives et solidaires de réagir aux grands fléaux. La volonté politique, pour changer de direction, est possible, et la direction est claire. Avec le désespoir que cet arrêt fait surgir, affleure ainsi l’espoir, un espoir impérieux, violent, sauvage. Que le virus de l’émotion nous aide maintenant à rompre nos chaînes ! Face à la réalité insoutenable de l’horizon sans avenir, de l’autophagie de notre civilisation : nous autres humains, soyons enfin capables de penser et faire ensemble le changement de direction ! Que cet arrêt nous serve à le penser et à le faire. Si rien ne va plus, tout est possible !  
Laissons donc muter le virus de la peur ! Colère, indignation et espoir peuvent nous être collectivement bénéfiques, pour modeler le monde qui vient." |
Langues : |
Français (fre) |
Mots-clés : |
Émotions -- Moyen âge
Affectivité -- Aspect religieux -- Moyen âge
Civilisation occidentale -- Moyen âge |
Résumé : |
Que peut-on savoir de la vie affective du Moyen Âge ? Sur ce sujet longtemps négligé, les sources sont pourtant nombreuses : la littérature profane et spirituelle, l’iconographie, les chroniques, mais aussi la théologie et la médecine nous livrent mille indices sur la place des émotions dans la vie sociale.
De la colère d’un puissant à l’indignation du petit peuple, de la honte démonstrative d’une sainte à la crainte de la honte d’un grand, de l’amitié entre moines à la souffrance à l’imitation du Christ, de l’enthousiasme d’un groupe de croisés à la peur d’une ville entière face à la guerre ou à la peste qui approche, les exemples sont multiples. L’émotion n’est pas l’expression d’une confusion des esprits ni d’un chaos des règles sociales. Tous ces éclats de joie et de douleur, signes d’une humanité entière, produisent du sens qui ne se comprend que dans son contexte. Tout au long du millénaire médiéval, un modèle chrétien d’affectivité, élaboré à petite échelle dans les laboratoires monastiques, se construit, se répand, pénètre la société, tout en interagissant avec d’autres modèles, déjà présents ou en voie de construction parallèle, comme celui de la culture de cour.
L'émotion au Moyen Âge irrigue les relations sociales, dans une diversité d’interprétations et une vitalité culturelle qui impressionnent. |
Note de contenu : |
Bibliogr. p. 415-[455]. Notes bibliogr. Index |
En ligne : |
https://www.franceculture.fr/societe/piroska-nagy-que-le-virus-de-lemotion-nous- [...] |
Permalink : |
https://cs.iut.univ-tours.fr/index.php?lvl=notice_display&id=241694 |
Sensible Moyen Âge : une histoire des émotions dans l'Occident médiéval / SCD [document électronique] / Damien Boquet (1969-....), Auteur ; Piroska Nagy (1968-...)  , Auteur . - Prix Augustin Thierry, Académie française : 2016 : France . - Paris : Éditions du Seuil, 2015 . - 1 vol. (467 p.-[12] p. de pl.) : ill. en coul., couv. ill. en coul. ; 24 cm. - ( L'Univers historique, ISSN 0083-3673) . ISBN : 978-2-02-097645-9 : 25 € "Ainsi, le virus émotif accompagnant la pandémie a d’abord saisi chacune et chacun par un petit fond d’anxiété, dont témoignait le regard se dérobant au lieu de s’arrêter sur le passant … Liée aux voyages, aux transports, aux grands magasins et autres situations de foule, la peur s’est rapidement installée. En état sévère, elle est devenue une angoisse paralysante, touchant la couleur même du jour. Avec le Covid, le temps est sorti de ses gonds pour devenir un temps hors du temps, où tous les jours se ressemblent. Car l’arrêt soudain des activités – grande relaxation, ce n’est pas qu’un dimanche ! – a ébranlé toutes les bases de la vie sociale. Plus de café du coin, de discussion au marché, de flânage au parc ou de soirée entre amis. Les routines, trajets et gestes quotidiens qui nous ancrent dans la société ont peu à peu perdu leur terreau solide. 
Le Temps de l’Inconnu étend alors son empire comme le brouillard tombant sur la campagne, le contour des choses s’estompe en même temps qu’on perd la visibilité. Dans un monde sans axe ni horizon, blanc et flou, ne restent que les angoisses, les projections et les rêves fous.
Alors que présent et avenir se conjuguent à l’aveugle, le passé n’est plus : travail et revenus sont mis à l’arrêt pour une partie importante de la population. L’angoisse se transforme en indignation lorsqu’on découvre que la carte de crédit, elle, ne connaît pas de pause : des frais d’intérêts de 20% s’ajoutent aux impayés ! Voici l’une des vérités crues de ce monde, où tout un chacun est esclave des banques qui encaissent même nos salaires. Nous reviennent alors en mémoire ces prédicateurs médiévaux qui dénonçaient le gain contre-nature : plus que jamais, les banquiers font de l’argent avec le temps qui appartient à Dieu, comme aimait le rappeler Jacques Le Goff. Les banques s’enrichissent pendant que le commun s’appauvrit et craint de tout perdre. « À l’impossible nul n’est tenu », voici ce qui devrait être la devise des banques en temps de pandémie. D’où le mouvement montréalais, lancé à la fin du mois de mars :  Grève des loyers !
Monte alors la colère sociale … cette colère du juste, qui repose sur l’idée ancestrale de la possibilité, de l’existence immanente d’un ordre moral du monde qui ne se tient, on le sait, que parce qu’on se soucie les uns des autres. Nul horizon social sans bien et utilité communs. Or le monde du début du XXIe siècle ne connaît pas le commun ; pire, il le combat de toutes ses forces. Pourtant c’est la seule réponse possible à cette pandémie, qui révèle les inégalités en les accroissant. Le scandale planétaire éclate comme le virus, le scandale qui frappe aussi bien le pays le plus puissant de la Terre que l’Inde ou le Brésil, autrement plus désolants et pourtant si ressemblants dans leur délestage du commun et du pauvre. Un système mondial radicalement fou, fou dès la racine, se dévoile ainsi plus clairement que jamais dans l’atmosphère enfin non polluée. Ici, au Québec, son absurdité nous explose au visage, semblablement à la France : pour une province suffisamment agricole, l’absurde d’une absence de souveraineté alimentaire à 33% des besoins, pendant qu’on produit à l’exportation ! Mon fermier de voisin  n’a pas le droit de me vendre du lait. Nous dépendons, ici comme ailleurs, en médicaments et en produits manufacturés, de l’autre bout du monde. Ce système fou et immoral, en ce temps de crise, fait des grands États des pirates ...
À l’origine de la crise actuelle, on le sait maintenant, la mondialisation et ce qu’elle a créé d’inégalités sociales insoutenables et planétaires, étroitement liées à la destruction des écosystèmes et du monde : car pourquoi diable, sinon par misère, mangerait-on en Asie des pangolins ?! Le virus qui a envahi le monde par le chemin des voyages des choses et des gens – autant de marchandises, si l’on regarde bien ! – révèle la folie du monde. Cette folie qui, partiellement du moins, s’est enfin arrêtée ; à laquelle nous avons, nous aussi, contribué de mille façons, à laquelle nous sommes tous enchaînés. Regardons-nous bien en face, et nous aussi… arrêtons. 
La médiéviste en moi se souvient alors de la Grande Peste, qu’on aime regarder encore de loin comme un des phénomènes générant la Renaissance. Après la Peste – comme après la Covid – le monde ne sera plus jamais comme avant.
Suspendons donc notre souffle, puisqu’ enfin, même en ville, on entend les oiseaux. L’impensable est advenu : le monde, dans sa course folle, s’est arrêté – et ceci, miracle : par volonté politique. On peut donc trouver des manières collectives et solidaires de réagir aux grands fléaux. La volonté politique, pour changer de direction, est possible, et la direction est claire. Avec le désespoir que cet arrêt fait surgir, affleure ainsi l’espoir, un espoir impérieux, violent, sauvage. Que le virus de l’émotion nous aide maintenant à rompre nos chaînes ! Face à la réalité insoutenable de l’horizon sans avenir, de l’autophagie de notre civilisation : nous autres humains, soyons enfin capables de penser et faire ensemble le changement de direction ! Que cet arrêt nous serve à le penser et à le faire. Si rien ne va plus, tout est possible !  
Laissons donc muter le virus de la peur ! Colère, indignation et espoir peuvent nous être collectivement bénéfiques, pour modeler le monde qui vient." Langues : Français ( fre)
Mots-clés : |
Émotions -- Moyen âge
Affectivité -- Aspect religieux -- Moyen âge
Civilisation occidentale -- Moyen âge |
Résumé : |
Que peut-on savoir de la vie affective du Moyen Âge ? Sur ce sujet longtemps négligé, les sources sont pourtant nombreuses : la littérature profane et spirituelle, l’iconographie, les chroniques, mais aussi la théologie et la médecine nous livrent mille indices sur la place des émotions dans la vie sociale.
De la colère d’un puissant à l’indignation du petit peuple, de la honte démonstrative d’une sainte à la crainte de la honte d’un grand, de l’amitié entre moines à la souffrance à l’imitation du Christ, de l’enthousiasme d’un groupe de croisés à la peur d’une ville entière face à la guerre ou à la peste qui approche, les exemples sont multiples. L’émotion n’est pas l’expression d’une confusion des esprits ni d’un chaos des règles sociales. Tous ces éclats de joie et de douleur, signes d’une humanité entière, produisent du sens qui ne se comprend que dans son contexte. Tout au long du millénaire médiéval, un modèle chrétien d’affectivité, élaboré à petite échelle dans les laboratoires monastiques, se construit, se répand, pénètre la société, tout en interagissant avec d’autres modèles, déjà présents ou en voie de construction parallèle, comme celui de la culture de cour.
L'émotion au Moyen Âge irrigue les relations sociales, dans une diversité d’interprétations et une vitalité culturelle qui impressionnent. |
Note de contenu : |
Bibliogr. p. 415-[455]. Notes bibliogr. Index |
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https://www.franceculture.fr/societe/piroska-nagy-que-le-virus-de-lemotion-nous- [...] |
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