
Comment vivent les régies de quartier Mention de date : 3 octobre 2002 Paru le : 03/10/2002 |
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636 - 3 octobre 2002 - Comment vivent les régies de quartier [texte imprimé] / Georges Gontcharoff, Personne interviewée ; Joël Plantet, Auteur ; Guy Benloulou, Intervieweur ; Katia Rouff-Fiorenzi, Auteur . - 2002. Langues : Français (fre)
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Comment vivent les régies de quartier : propos recueillis par Guy Benloulou / Georges Gontcharoff in Lien Social : quinzomadaire indépendant d'actualité sociale, 636 (3 octobre 2002)
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[article]
Titre : Comment vivent les régies de quartier : propos recueillis par Guy Benloulou Type de document : texte imprimé Auteurs : Georges Gontcharoff, Personne interviewée ; Joël Plantet ; Guy Benloulou, Intervieweur ; Katia Rouff-Fiorenzi Année de publication : 2002 Article en page(s) : pp. 4-12 Langues : Français (fre) Mots-clés : QUARTIER REGIE DE QUARTIER TRAVAILLEUR SOCIAL ANIMATION CITOYENNETE ECONOMIE SOLIDAIRE HLM HABITAT INSERTION INSERTION PROFESSIONNELLE INSERTION SOCIALE LIEN SOCIAL SOCIETE SOCIAL POLITIQUE Entreprise d’insertion Résumé : Georges Gontcharoff, conseiller de la rédaction de Territoires, revue de l’Association pour la démocratie et l’éducation locale et sociale [1], explique que la grande majorité des régies sont forcément issues de la volonté des habitants car elles ne se créent pas par décret municipal. Il faut que des forces vives dans un quartier les conçoivent, les fassent naître, les fassent vivre. Elles doivent, ensuite, rencontrer une reconnaissance et un soutien financier. Il faut enfin, qu’elles aient du travail.
Pour ce spécialiste de la gestion municipale ces structures demandent que les travailleurs sociaux soient capables d’intervenir en retrait, de s’effacer quand ceux qu’ils ont guidés sont capables de voler de leurs propres ailes. Pas toujours facile, car cela nécessite de la part des professionnels une grande clarté sur les gratifications auxquelles ils ont pourtant droit par leur travail
Les régies de quartier existent depuis un peu plus de 20 ans. Pouvez-vous en faire un bilan ? Existe-t-il un modèle type de régie de quartier ?
Non, il n’existe pas un modèle de régie de quartier. Les 120 à 150 régies qui fonctionnent aujourd’hui ont chacune leurs spécificités, liées aux réalités du terrain et à la volonté des acteurs locaux associés (lire article). Des régies ont parfaitement rempli leur contrat. D’autres ont échoué partiellement ou totalement. Certaines ont même disparu. Un bilan global est difficile.
Néanmoins, on peut rappeler des constantes qui permettent de dire ce qu’ont été les régies de quartiers et qui ont été rappelées dans le manifeste de 1988 du Comité national de liaison des régies de quartier. Les régies se proposent de « conjuguer une approche sociale, un ancrage territorial et un développement de la citoyenneté ». Elles sont situées dans le champ de « l’économie solidaire », c’est-à-dire qu’elles peuvent être considérées à la fois comme des lieux d’insertion par le travail et comme des lieux de production qui doivent se placer sur le marché local et progressivement s’autonomiser sur le plan économique, c’est-à-dire moins dépendre des subventions à caractère social, voire être capables de s’en passer. Le nombre et la complexité de ces objectifs croisés expliquent les difficultés de faire une évaluation. La vie (la survie) d’une régie dépend principalement de trois facteurs.
Le premier est constitué par la mobilisation sociale durable qu’elle suscite. C’est à ce niveau que l’on mesure la force et la durée de l’engagement citoyen qu’elle révèle. C’est à ce niveau aussi que l’on mesure son caractère pédagogique : fidélise-t-elle et élargit-elle le cercle des citoyens engagés ? Suscite-t-elle de nouveaux militants, capables de prendre le relais des « pères et des mères fondateurs » ? (C’est toujours un moment délicat dans l’histoire des régies). Des régies s’effondrent parce qu’elles ne sont plus portées par un mouvement social.
Le second facteur est constitué par la municipalité et les instances qui soutiennent et financent la politique de la ville dont la régie est partie prenante. Leur soutien est décisif. Telle municipalité change de couleur politique : la nouvelle équipe ne reconnaît plus la régie de quartier et lui coupe les vivres. Ainsi, après les élections municipales de 2001 plusieurs régies n’ont pas réussi à survivre à l’alternance politique.
Le troisième facteur est lié au marché de travail que les pouvoirs locaux, municipalité et bailleurs sociaux accordent à la régie (ménage des parties communes, entrées et sorties des conteneurs à ordures, entretien des espaces extérieurs et des espaces verts, petite maintenance, travaux de second œuvre du bâtiment, gardiennage, services de proximité, médiation…). Il faut que la régie ait du « grain à moudre », alors que son espace économique est toujours limité, menacé par la concurrence des services techniques de la municipalité ou des bailleurs et par la pression des artisans locaux qui estiment que la régie, fiscalement avantagée, leur vole du travail. L’évolution des différents rapports de force peut mettre en danger l’existence de la régie.
Pour répondre complètement à votre question, il faudrait raconter l’histoire de chaque régie en fonction de ces trois paramètres. Ajoutons que, contrairement à beaucoup d’autres structures de la démocratie locale participative, les régies sont, en général beaucoup plus populaires. Elles agissent dans les quartiers d’habitat social, avec et pour les populations les plus démunies et, souvent, avec celles qui sont issues de l’immigration, alors que, par exemple, les conseils et comités de quartiers sont surtout des instruments de participation accaparés par les couches moyennes. Les régies amènent à la citoyenneté une partie des populations qui ne sont pas entraînées par les autres instruments locaux d’offre démocratique.
Cependant, comme toutes les instances participatives, les régies n’entraînent qu’une toute petite partie de la population d’un territoire (2 à 4 % en moyenne) et ne représentent souvent qu’une miette dans l’économie locale. C’est au niveau social (individuel et collectif) qu’elles peuvent être considérées comme les plus performantes : remise au travail de personnes, apport souvent non négligeable de revenus, pour certains ménages, insertion sociale, convivialité de voisinage, mise en réseau d’acteurs locaux, mise en place de services de proximité et échanges de savoirs (friperies, laveries, repassage, retouche, photocopies, fax et courriels, prêts et location d’outils et conseils de bricolage dans les parties privatives, écrivains publics…), solidarité, etc.
Ces structures ont-elles ou sont-elles appelées à modifier le concept de citoyenneté ?
Je ne crois pas que les régies modifient le concept de citoyenneté. Faudrait-il définir un concept de la citoyenneté avant la régie et suivre son évolution ? Disons plutôt que la régie met en œuvre des engagements concrets, très proches de la vie quotidienne des habitants et qu’elle est par conséquent bien éloignée de certaines définitions plus abstraites, parfois plus juridiques ou institutionnelles, de la citoyenneté. Il s’agit d’une citoyenneté active, plus sociale que politique.
La question est alors de savoir si cet exercice conduit les personnes qui s’engagent dans la régie et/ou qui en bénéficient à mieux exercer ensuite leurs droits et leurs devoirs de citoyens politiques : s’inscrire sur les listes électorales ou revendiquer le droit de vote local pour les étrangers, comprendre la vie politique locale, s’engager dans les mouvements sociaux, voire dans les partis, participer aux campagnes, etc. ? La régie pourrait alors être considérée comme une école élémentaire de l’exercice de la démocratie, mettant des citoyens en route par l’action et non par un discours volontariste et plus ou moins moralisateur (l’exercice de la citoyenneté comme un impératif kantien !).
Répondre à votre question serait en somme dire ce que c’est qu’être citoyen ? La régie, nous l’avons dit, touche le plus souvent les couches sociales qui sont les plus éloignées de la citoyenneté politique. Elle peut les conduire à comprendre la nécessité de l’engagement collectif. La régie cherche à rassembler tous les acteurs d’un même territoire. Elle peut les conduire à mieux comprendre la nécessité et à définir les formes d’un développement territorialisé. Être citoyen n’est-ce pas d’abord (mais pas seulement) agir avec les autres, dans son lieux de vie ?
Ces régies répondent-elles à une commande politique ?
La grande majorité des régies sont issues de la volonté des habitants et non d’un programme initié par les pouvoirs publics. Elles participent de ce que l’on appelle, dans les milieux du développement social local, un mouvement ascendant, une auto-organisation des citoyens. On ne crée pas une régie par délibération ou par arrêté municipal. Les élus locaux ne décrètent pas l’existence d’une régie. Il faut que des forces vives locales la conçoivent, la fassent naître, la fassent vivre.
Mais la régie doit rencontrer une reconnaissance et un soutien moral et financier « d’en-haut ». Comme pour toutes les démarches de développement, il convient que se rencontrent et se conjuguent le « mouvement ascendant » (des citoyens vers le pouvoir) et le « mouvement descendant » (du pouvoir vers les citoyens). La régie ne peut guère naître et survivre sans ou contre les pouvoirs locaux (municipalités, bailleurs…), mais les pouvoirs ne peuvent pas faire émerger et subsister une régie sans trouver ou conforter les habitants qui vont l’animer.
En plusieurs circonstances, les instances nationales qui gèrent la politique de la ville ont prôné l’extension, voire la généralisation des régies de quartier à toutes les zones sensibles. Ces injonctions venues d’en-haut n’ont pas provoqué une marée de régies de quartier. Ces dernières n’émergent que là où une volonté locale des acteurs associés existe réellement.
Les travailleurs sociaux devraient-ils s’investir de manière plus forte dans le fonctionnement de ces régies ?
Il faut distinguer deux aspects qui ne sont d’ailleurs pas propres à l’engagement des travailleurs sociaux dans les régies de quartier. Les travailleurs sociaux peuvent agir à titre personnel, en fonction de leurs choix citoyens et militants. Les travailleurs sociaux peuvent agir en étant mandatés, missionnés par leur institution. Par exemple de nombreuses CAF, engagées dans la politique de la ville, ont demandé à leurs travailleurs sociaux de participer à la création de régies de quartier et à accompagner leur développement. On peut souhaiter, en effet, que les institutions sociales, de toute nature, poussent de plus en plus leurs travailleurs sociaux à s’investir, avec d’autres, dans l’esprit du développement social local, dont les régies de quartier ne sont d’ailleurs qu’un aspect parmi d’autres. S’illustre ainsi une évolution bénéfique des professions, dans le sens de ce que Jacques Ion a appelé « le travail social à l’épreuve du territoire », constructeur de coordination et de désenclavement.
Mais un danger a été rapidement identifié : les travailleurs sociaux, impatients ou ayant quelque volonté de puissance, ont souvent tendance à se substituer à « la carence » des habitants, faisant pour eux, mais sans eux. « Les porte-paroles des populations sans voix » n’ont pas de légitimité pour parler et pour agir à la place des habitants et pour prendre des responsabilités durables dans les régies de quartier qui doivent avant tout être gérées (autogérées) par les habitants eux-mêmes. Il n’est pas toujours commode de s’en tenir à un appui discret et transitoire, respectueux du cheminement lent et incertain des habitants vers une citoyenneté active. « La pédagogie du facilitateur » demande de la part des travailleurs sociaux une capacité à travailler « en retrait », à passer la main, à s’effacer quand celui (ou ceux) qu’il a guidé (s) est capable de voler de ses (leurs) propres ailes. Ce sacrifice n’est pas toujours facile, car il nécessite de la part des professionnels une grande clarté sur les gratifications auxquelles ils ont droit par leur travail.En ligne : https://www.lien-social.com/Comment-vivent-les-regies-de-quartier Permalink : https://cs.iut.univ-tours.fr/index.php?lvl=notice_display&id=17433
in Lien Social : quinzomadaire indépendant d'actualité sociale > 636 (3 octobre 2002) . - pp. 4-12[article] Comment vivent les régies de quartier : propos recueillis par Guy Benloulou [texte imprimé] / Georges Gontcharoff, Personne interviewée ; Joël Plantet ; Guy Benloulou, Intervieweur ; Katia Rouff-Fiorenzi . - 2002 . - pp. 4-12.
Langues : Français (fre)
in Lien Social : quinzomadaire indépendant d'actualité sociale > 636 (3 octobre 2002) . - pp. 4-12
Mots-clés : QUARTIER REGIE DE QUARTIER TRAVAILLEUR SOCIAL ANIMATION CITOYENNETE ECONOMIE SOLIDAIRE HLM HABITAT INSERTION INSERTION PROFESSIONNELLE INSERTION SOCIALE LIEN SOCIAL SOCIETE SOCIAL POLITIQUE Entreprise d’insertion Résumé : Georges Gontcharoff, conseiller de la rédaction de Territoires, revue de l’Association pour la démocratie et l’éducation locale et sociale [1], explique que la grande majorité des régies sont forcément issues de la volonté des habitants car elles ne se créent pas par décret municipal. Il faut que des forces vives dans un quartier les conçoivent, les fassent naître, les fassent vivre. Elles doivent, ensuite, rencontrer une reconnaissance et un soutien financier. Il faut enfin, qu’elles aient du travail.
Pour ce spécialiste de la gestion municipale ces structures demandent que les travailleurs sociaux soient capables d’intervenir en retrait, de s’effacer quand ceux qu’ils ont guidés sont capables de voler de leurs propres ailes. Pas toujours facile, car cela nécessite de la part des professionnels une grande clarté sur les gratifications auxquelles ils ont pourtant droit par leur travail
Les régies de quartier existent depuis un peu plus de 20 ans. Pouvez-vous en faire un bilan ? Existe-t-il un modèle type de régie de quartier ?
Non, il n’existe pas un modèle de régie de quartier. Les 120 à 150 régies qui fonctionnent aujourd’hui ont chacune leurs spécificités, liées aux réalités du terrain et à la volonté des acteurs locaux associés (lire article). Des régies ont parfaitement rempli leur contrat. D’autres ont échoué partiellement ou totalement. Certaines ont même disparu. Un bilan global est difficile.
Néanmoins, on peut rappeler des constantes qui permettent de dire ce qu’ont été les régies de quartiers et qui ont été rappelées dans le manifeste de 1988 du Comité national de liaison des régies de quartier. Les régies se proposent de « conjuguer une approche sociale, un ancrage territorial et un développement de la citoyenneté ». Elles sont situées dans le champ de « l’économie solidaire », c’est-à-dire qu’elles peuvent être considérées à la fois comme des lieux d’insertion par le travail et comme des lieux de production qui doivent se placer sur le marché local et progressivement s’autonomiser sur le plan économique, c’est-à-dire moins dépendre des subventions à caractère social, voire être capables de s’en passer. Le nombre et la complexité de ces objectifs croisés expliquent les difficultés de faire une évaluation. La vie (la survie) d’une régie dépend principalement de trois facteurs.
Le premier est constitué par la mobilisation sociale durable qu’elle suscite. C’est à ce niveau que l’on mesure la force et la durée de l’engagement citoyen qu’elle révèle. C’est à ce niveau aussi que l’on mesure son caractère pédagogique : fidélise-t-elle et élargit-elle le cercle des citoyens engagés ? Suscite-t-elle de nouveaux militants, capables de prendre le relais des « pères et des mères fondateurs » ? (C’est toujours un moment délicat dans l’histoire des régies). Des régies s’effondrent parce qu’elles ne sont plus portées par un mouvement social.
Le second facteur est constitué par la municipalité et les instances qui soutiennent et financent la politique de la ville dont la régie est partie prenante. Leur soutien est décisif. Telle municipalité change de couleur politique : la nouvelle équipe ne reconnaît plus la régie de quartier et lui coupe les vivres. Ainsi, après les élections municipales de 2001 plusieurs régies n’ont pas réussi à survivre à l’alternance politique.
Le troisième facteur est lié au marché de travail que les pouvoirs locaux, municipalité et bailleurs sociaux accordent à la régie (ménage des parties communes, entrées et sorties des conteneurs à ordures, entretien des espaces extérieurs et des espaces verts, petite maintenance, travaux de second œuvre du bâtiment, gardiennage, services de proximité, médiation…). Il faut que la régie ait du « grain à moudre », alors que son espace économique est toujours limité, menacé par la concurrence des services techniques de la municipalité ou des bailleurs et par la pression des artisans locaux qui estiment que la régie, fiscalement avantagée, leur vole du travail. L’évolution des différents rapports de force peut mettre en danger l’existence de la régie.
Pour répondre complètement à votre question, il faudrait raconter l’histoire de chaque régie en fonction de ces trois paramètres. Ajoutons que, contrairement à beaucoup d’autres structures de la démocratie locale participative, les régies sont, en général beaucoup plus populaires. Elles agissent dans les quartiers d’habitat social, avec et pour les populations les plus démunies et, souvent, avec celles qui sont issues de l’immigration, alors que, par exemple, les conseils et comités de quartiers sont surtout des instruments de participation accaparés par les couches moyennes. Les régies amènent à la citoyenneté une partie des populations qui ne sont pas entraînées par les autres instruments locaux d’offre démocratique.
Cependant, comme toutes les instances participatives, les régies n’entraînent qu’une toute petite partie de la population d’un territoire (2 à 4 % en moyenne) et ne représentent souvent qu’une miette dans l’économie locale. C’est au niveau social (individuel et collectif) qu’elles peuvent être considérées comme les plus performantes : remise au travail de personnes, apport souvent non négligeable de revenus, pour certains ménages, insertion sociale, convivialité de voisinage, mise en réseau d’acteurs locaux, mise en place de services de proximité et échanges de savoirs (friperies, laveries, repassage, retouche, photocopies, fax et courriels, prêts et location d’outils et conseils de bricolage dans les parties privatives, écrivains publics…), solidarité, etc.
Ces structures ont-elles ou sont-elles appelées à modifier le concept de citoyenneté ?
Je ne crois pas que les régies modifient le concept de citoyenneté. Faudrait-il définir un concept de la citoyenneté avant la régie et suivre son évolution ? Disons plutôt que la régie met en œuvre des engagements concrets, très proches de la vie quotidienne des habitants et qu’elle est par conséquent bien éloignée de certaines définitions plus abstraites, parfois plus juridiques ou institutionnelles, de la citoyenneté. Il s’agit d’une citoyenneté active, plus sociale que politique.
La question est alors de savoir si cet exercice conduit les personnes qui s’engagent dans la régie et/ou qui en bénéficient à mieux exercer ensuite leurs droits et leurs devoirs de citoyens politiques : s’inscrire sur les listes électorales ou revendiquer le droit de vote local pour les étrangers, comprendre la vie politique locale, s’engager dans les mouvements sociaux, voire dans les partis, participer aux campagnes, etc. ? La régie pourrait alors être considérée comme une école élémentaire de l’exercice de la démocratie, mettant des citoyens en route par l’action et non par un discours volontariste et plus ou moins moralisateur (l’exercice de la citoyenneté comme un impératif kantien !).
Répondre à votre question serait en somme dire ce que c’est qu’être citoyen ? La régie, nous l’avons dit, touche le plus souvent les couches sociales qui sont les plus éloignées de la citoyenneté politique. Elle peut les conduire à comprendre la nécessité de l’engagement collectif. La régie cherche à rassembler tous les acteurs d’un même territoire. Elle peut les conduire à mieux comprendre la nécessité et à définir les formes d’un développement territorialisé. Être citoyen n’est-ce pas d’abord (mais pas seulement) agir avec les autres, dans son lieux de vie ?
Ces régies répondent-elles à une commande politique ?
La grande majorité des régies sont issues de la volonté des habitants et non d’un programme initié par les pouvoirs publics. Elles participent de ce que l’on appelle, dans les milieux du développement social local, un mouvement ascendant, une auto-organisation des citoyens. On ne crée pas une régie par délibération ou par arrêté municipal. Les élus locaux ne décrètent pas l’existence d’une régie. Il faut que des forces vives locales la conçoivent, la fassent naître, la fassent vivre.
Mais la régie doit rencontrer une reconnaissance et un soutien moral et financier « d’en-haut ». Comme pour toutes les démarches de développement, il convient que se rencontrent et se conjuguent le « mouvement ascendant » (des citoyens vers le pouvoir) et le « mouvement descendant » (du pouvoir vers les citoyens). La régie ne peut guère naître et survivre sans ou contre les pouvoirs locaux (municipalités, bailleurs…), mais les pouvoirs ne peuvent pas faire émerger et subsister une régie sans trouver ou conforter les habitants qui vont l’animer.
En plusieurs circonstances, les instances nationales qui gèrent la politique de la ville ont prôné l’extension, voire la généralisation des régies de quartier à toutes les zones sensibles. Ces injonctions venues d’en-haut n’ont pas provoqué une marée de régies de quartier. Ces dernières n’émergent que là où une volonté locale des acteurs associés existe réellement.
Les travailleurs sociaux devraient-ils s’investir de manière plus forte dans le fonctionnement de ces régies ?
Il faut distinguer deux aspects qui ne sont d’ailleurs pas propres à l’engagement des travailleurs sociaux dans les régies de quartier. Les travailleurs sociaux peuvent agir à titre personnel, en fonction de leurs choix citoyens et militants. Les travailleurs sociaux peuvent agir en étant mandatés, missionnés par leur institution. Par exemple de nombreuses CAF, engagées dans la politique de la ville, ont demandé à leurs travailleurs sociaux de participer à la création de régies de quartier et à accompagner leur développement. On peut souhaiter, en effet, que les institutions sociales, de toute nature, poussent de plus en plus leurs travailleurs sociaux à s’investir, avec d’autres, dans l’esprit du développement social local, dont les régies de quartier ne sont d’ailleurs qu’un aspect parmi d’autres. S’illustre ainsi une évolution bénéfique des professions, dans le sens de ce que Jacques Ion a appelé « le travail social à l’épreuve du territoire », constructeur de coordination et de désenclavement.
Mais un danger a été rapidement identifié : les travailleurs sociaux, impatients ou ayant quelque volonté de puissance, ont souvent tendance à se substituer à « la carence » des habitants, faisant pour eux, mais sans eux. « Les porte-paroles des populations sans voix » n’ont pas de légitimité pour parler et pour agir à la place des habitants et pour prendre des responsabilités durables dans les régies de quartier qui doivent avant tout être gérées (autogérées) par les habitants eux-mêmes. Il n’est pas toujours commode de s’en tenir à un appui discret et transitoire, respectueux du cheminement lent et incertain des habitants vers une citoyenneté active. « La pédagogie du facilitateur » demande de la part des travailleurs sociaux une capacité à travailler « en retrait », à passer la main, à s’effacer quand celui (ou ceux) qu’il a guidé (s) est capable de voler de ses (leurs) propres ailes. Ce sacrifice n’est pas toujours facile, car il nécessite de la part des professionnels une grande clarté sur les gratifications auxquelles ils ont droit par leur travail.En ligne : https://www.lien-social.com/Comment-vivent-les-regies-de-quartier Permalink : https://cs.iut.univ-tours.fr/index.php?lvl=notice_display&id=17433 Une insertion par l’économie et le lien social : l’exemple de Eréqua, régie de quartier à Pantin / Katia Rouff-Fiorenzi in Lien Social : quinzomadaire indépendant d'actualité sociale, 636 (3 octobre 2002)
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Titre : Une insertion par l’économie et le lien social : l’exemple de Eréqua, régie de quartier à Pantin Type de document : texte imprimé Auteurs : Katia Rouff-Fiorenzi, Auteur Année de publication : 2002 Langues : Français (fre) Mots-clés : Entreprise d’insertion Résumé : En Seine-Saint-Denis cette structure embauche les habitants de la cité pour des travaux d’embellissement et travaille à renforcer la convivialité
Métro Fort d’Aubervilliers à Pantin. Pour rejoindre la cité des Courtillières, longer des mètres de jardins familiaux très gais, les rosiers y côtoient les cerisiers. À l’entrée de la cité : la maison de quartier, beau bâtiment qui accueille une trentaine d’associations. Quelques mètres plus loin, une petite place agréable, aérée, quelques commerces : boulangerie, pharmacie, épiceries, teinturerie et l’association Eréqua, une régie de quartier [1], elle aussi boutique ouverte sur le quartier. L’association, créée en 1998, est implantée au cœur d’une cité composée de 2 000 logements sociaux, gérés pour la plupart, par l’OPHLM, et de 6 500 habitants. La cité se trouve excentrée par rapport au centre ville et les habitants se considèrent parfois comme des pantinois de seconde zone, sentiment accentué par l’insuffisance de moyens de communication entre la cité et le centre ville.
De nombreux habitants cumulent les difficultés : logements trop petits, familles trop nombreuses, problèmes de santé, chômage, RMI… En revanche, les équipements ne manquent pas, crèche départementale, maternelles, écoles primaires, collèges, gymnases… et la vie associative est très riche. « Il existe des difficultés bien entendu, mais ici la société civile n’a jamais perdu pied. Les municipalités successives ont toujours pris à cœur ce qui se passe dans le quartier des Courtillières », indique Thierry de Lavau, le directeur d’Eréqua. Les régies de quartier ont pour objectif la gestion partagée du territoire avec tous les acteurs de leur quartier : habitants, institution, écoles, associations… Les locaux d’Eréqua sont mis à disposition par le bailleur et les collectivités locales financent une partie des actions.
Une régie de quartier est un instrument de gestion urbaine. Son métier est l’entretien de la ville. Elle vend des prestations de nettoyage, d’entretien et d’embellissement. Elle propose ses services à la ville, au bailleur et aux habitants et ses contrats de travail à des jeunes sans qualification, des chômeurs de longue durée et des personnes bénéficiaires du RMI. Eréqua travaille en collaboration avec la mission locale et la mission RMI. « Les personnes reçues cumulant souvent les difficultés, nous travaillons avec des partenaires avec lesquels nous définissons des parcours individualisés d’insertion afin de pouvoir prendre en charge tous les niveaux de problèmes qui peuvent se présenter (problèmes de santé, de logement…) ». La régie de quartier représente un sas pour basculer vers autre chose : un emploi ou une formation. Les premiers contrats de travail proposés par Eréqua ne nécessitent souvent aucune qualification : ramassage de papiers, collecte d’encombrants… « Nous travaillons alors sur le “savoir-être” : ponctualité, respect des directives, des personnes, travail en équipe… ».
Après cette première expérience, une personne embauchée pourra passer à des travaux plus techniques : peinture, plomberie… qui nécessitent un encadrement technique. « Il est hors de question que le résultat ne soit pas impeccable parce que ce sont des personnes en réinsertion qui le réalisent », insiste Thierry de Lavau. Les tarifs d’Eréqua sont souvent plus avantageux que ceux d’une entreprise traditionnelle : pas de frais de déplacement, étude de solutions qui permettent d’amoindrir les coûts (participation du client à la réalisation du chantier, par exemple), facturation du temps réel passé sur le chantier…
Aujourd’hui, les interventions sont essentiellement réalisées sur le quartier mais l’équipe d’Eréqua réfléchit à la mise en place d’antennes sur d’autres secteurs. La cité des Courtillières fait partie du Grand projet ville, associant Pantin aux communes de Bobigny et de Bondy, ce qui augure bien d’une nouvelle dynamique économique pour Eréqua. L’activité d’insertion par l’économique se heurte à des problèmes : « Certaines personnes sont trop “cassées” et elles n’ont plus le dynamisme pour rejoindre le monde du travail », constate Thierry de Lavau. Pour d’autres personnes, travailler sur le quartier présente un risque : elles trouvent un boulot en bas de chez elles, pourquoi aller le chercher ailleurs ? Par contre, proposer de circuler dans le quartier avec une pince ramasse-déchets à certains jeunes qui tiennent à leur image, s’avère difficile, ça ne leur poserait aucun souci dans un autre quartier. « En étendant notre activité à un territoire plus large, nous pallierons plusieurs de ces problèmes », estime Thierry de Lavau.
Le renforcement du lien social est la seconde mission d’une régie de quartier. Eréqua propose un point d’accès au droit animé par une juriste. « Pour apporter de l’information là et au moment où un individu en a besoin ». Elle donne des conseils, permet de débrouiller des situations liées aux droits de la famille, du travail, des étrangers, oriente vers les travailleurs sociaux, délivre des bons pour des consultations d’avocats et la régie accompagne les personnes qui le souhaitent dans leurs démarches. « Il s’agit d’un accompagnement à la citoyenneté parce que les gens s’informent et font valoir leurs droits ».
Eréqua a aussi mis en place un atelier mosaïque animé par une mosaïste passionnée et un animateur socioculturel. Deux ateliers gratuits sont proposés. Le premier accueille les enfants de 9 à 14 ans, qui ne fréquentent pas le service municipal de la jeunesse ou les centres de loisirs ou qui viennent encouragés par leurs parents et éducateurs. Dans cet atelier ouvert, aucun contrat n’est passé avec l’enfant qui y participe librement. Le second atelier accueille les femmes du quartier en partenariat avec l’association Parentage qui travaille sur la fonction parentale. Les œuvres réalisées dans ces ateliers enjolivent le quartier. Une grande mosaïque « L’expression de la cité », fort jolie, colorée et agrémentée des autoportraits des enfants a gagné le premier prix des Rencontres internationales de mosaïques de Chartres. Elle a été exposée à la mairie de Pantin, à l’université de Bobigny et sera installée dans un hall après la réhabilitation de la cité.
Actuellement l’atelier travaille sur des masques qui représentent la multitude de nationalités qui composent le quartier. L’atelier adulte a pour projet la formation d’une ou deux personnes qui devraient permettre de monter un atelier de productions (signalétiques…) qui pourrait être intégré dans le cadre du Grand projet ville. La régie, en collaboration avec les habitants, réalise aussi des actions de convivialité tout au cours de l’année : brocantes, jardin éphémère, animations à caractère ludique. Ces activités fonctionnent bien et désenclavent le quartier, la brocante notamment attire les férus de toute l’Île-de-France. « Les missions des régies sont trop souvent qualifiées de secondaires alors qu’elles sont prioritaires : formations adaptées, valorisation des acquis, développement de la vie associative, initiation à la démocratie participative, accompagnement et soutien individuel dans le parcours citoyen des personnes en situation de précarité, mise en place de solidarités partagées…
En somme tout ce qui donne du sens, de la plus-value sociale aux missions traditionnelles des régies que sont l’insertion, l’emploi, le travail et le tissage ou renforcement du lien social », explique le président du Comité national de liaison des régies de quartier (CNRQ), Guy Dumontier [2]. Dix associations et cinq personnes représentantes du quartier appartiennent au Conseil d’administration de Eréqua.
Eréqua va recruter des médiateurs pour prolonger sa présence sur le quartier en fin d’après midi et en soirée lorsque tous les services publics arrêtent leur activité. Leur rôle sera d’assurer la médiation dans les conflits de voisinage, d’aller à la rencontre des jeunes qui squattent les halls, de réaliser la veille technique « l’absence d’une ampoule dans les halls peut provoquer un sentiment d’insécurité », illustre le directeur. Ils auront un rôle de veille sociale, de sécurisation des habitants. Le médiateur travaillera également avec l’école, pour anticiper les problèmes : l’exclusion d’un élève à la suite d’un conseil de discipline par exemple. Pourquoi ne pas inciter les habitants à pratiquer eux-mêmes la médiation ? « Ils ne peuvent pas se mobiliser la nuit, et puis la médiation est un vrai métier, », explique Thierry de Lavau. « Cependant, pour que des médiateurs soient acceptés dans un quartier le projet doit se faire avec les habitants. Nous avons organisé des journées portes ouvertes autour de la médiation et des réunions publiques ».
Comment mesurer l’impact d’une régie de quartier ? Le contact avec les jeunes est bon, la régie permet à certains d’entre eux de travailler ; Eréqua intervient chez les locataires et cela se sait, elle est entrée dans un appartement sur cinq ; le taux de participation aux activités est important ; les salariés, les locaux où véhicules n’ont jamais subi d’actes de malveillance. Que reste-t-il à améliorer ? « Pour l’instant les projets sont montés par la régie et soutenus par les habitants, nous souhaitons que ce soit le contraire. Le temps, le réflexe, la confiance le permettront ».En ligne : https://www.lien-social.com/Une-insertion-par-l-economie-et-le-lien-social Permalink : https://cs.iut.univ-tours.fr/index.php?lvl=notice_display&id=198630
in Lien Social : quinzomadaire indépendant d'actualité sociale > 636 (3 octobre 2002)[article] Une insertion par l’économie et le lien social : l’exemple de Eréqua, régie de quartier à Pantin [texte imprimé] / Katia Rouff-Fiorenzi, Auteur . - 2002.
Langues : Français (fre)
in Lien Social : quinzomadaire indépendant d'actualité sociale > 636 (3 octobre 2002)
Mots-clés : Entreprise d’insertion Résumé : En Seine-Saint-Denis cette structure embauche les habitants de la cité pour des travaux d’embellissement et travaille à renforcer la convivialité
Métro Fort d’Aubervilliers à Pantin. Pour rejoindre la cité des Courtillières, longer des mètres de jardins familiaux très gais, les rosiers y côtoient les cerisiers. À l’entrée de la cité : la maison de quartier, beau bâtiment qui accueille une trentaine d’associations. Quelques mètres plus loin, une petite place agréable, aérée, quelques commerces : boulangerie, pharmacie, épiceries, teinturerie et l’association Eréqua, une régie de quartier [1], elle aussi boutique ouverte sur le quartier. L’association, créée en 1998, est implantée au cœur d’une cité composée de 2 000 logements sociaux, gérés pour la plupart, par l’OPHLM, et de 6 500 habitants. La cité se trouve excentrée par rapport au centre ville et les habitants se considèrent parfois comme des pantinois de seconde zone, sentiment accentué par l’insuffisance de moyens de communication entre la cité et le centre ville.
De nombreux habitants cumulent les difficultés : logements trop petits, familles trop nombreuses, problèmes de santé, chômage, RMI… En revanche, les équipements ne manquent pas, crèche départementale, maternelles, écoles primaires, collèges, gymnases… et la vie associative est très riche. « Il existe des difficultés bien entendu, mais ici la société civile n’a jamais perdu pied. Les municipalités successives ont toujours pris à cœur ce qui se passe dans le quartier des Courtillières », indique Thierry de Lavau, le directeur d’Eréqua. Les régies de quartier ont pour objectif la gestion partagée du territoire avec tous les acteurs de leur quartier : habitants, institution, écoles, associations… Les locaux d’Eréqua sont mis à disposition par le bailleur et les collectivités locales financent une partie des actions.
Une régie de quartier est un instrument de gestion urbaine. Son métier est l’entretien de la ville. Elle vend des prestations de nettoyage, d’entretien et d’embellissement. Elle propose ses services à la ville, au bailleur et aux habitants et ses contrats de travail à des jeunes sans qualification, des chômeurs de longue durée et des personnes bénéficiaires du RMI. Eréqua travaille en collaboration avec la mission locale et la mission RMI. « Les personnes reçues cumulant souvent les difficultés, nous travaillons avec des partenaires avec lesquels nous définissons des parcours individualisés d’insertion afin de pouvoir prendre en charge tous les niveaux de problèmes qui peuvent se présenter (problèmes de santé, de logement…) ». La régie de quartier représente un sas pour basculer vers autre chose : un emploi ou une formation. Les premiers contrats de travail proposés par Eréqua ne nécessitent souvent aucune qualification : ramassage de papiers, collecte d’encombrants… « Nous travaillons alors sur le “savoir-être” : ponctualité, respect des directives, des personnes, travail en équipe… ».
Après cette première expérience, une personne embauchée pourra passer à des travaux plus techniques : peinture, plomberie… qui nécessitent un encadrement technique. « Il est hors de question que le résultat ne soit pas impeccable parce que ce sont des personnes en réinsertion qui le réalisent », insiste Thierry de Lavau. Les tarifs d’Eréqua sont souvent plus avantageux que ceux d’une entreprise traditionnelle : pas de frais de déplacement, étude de solutions qui permettent d’amoindrir les coûts (participation du client à la réalisation du chantier, par exemple), facturation du temps réel passé sur le chantier…
Aujourd’hui, les interventions sont essentiellement réalisées sur le quartier mais l’équipe d’Eréqua réfléchit à la mise en place d’antennes sur d’autres secteurs. La cité des Courtillières fait partie du Grand projet ville, associant Pantin aux communes de Bobigny et de Bondy, ce qui augure bien d’une nouvelle dynamique économique pour Eréqua. L’activité d’insertion par l’économique se heurte à des problèmes : « Certaines personnes sont trop “cassées” et elles n’ont plus le dynamisme pour rejoindre le monde du travail », constate Thierry de Lavau. Pour d’autres personnes, travailler sur le quartier présente un risque : elles trouvent un boulot en bas de chez elles, pourquoi aller le chercher ailleurs ? Par contre, proposer de circuler dans le quartier avec une pince ramasse-déchets à certains jeunes qui tiennent à leur image, s’avère difficile, ça ne leur poserait aucun souci dans un autre quartier. « En étendant notre activité à un territoire plus large, nous pallierons plusieurs de ces problèmes », estime Thierry de Lavau.
Le renforcement du lien social est la seconde mission d’une régie de quartier. Eréqua propose un point d’accès au droit animé par une juriste. « Pour apporter de l’information là et au moment où un individu en a besoin ». Elle donne des conseils, permet de débrouiller des situations liées aux droits de la famille, du travail, des étrangers, oriente vers les travailleurs sociaux, délivre des bons pour des consultations d’avocats et la régie accompagne les personnes qui le souhaitent dans leurs démarches. « Il s’agit d’un accompagnement à la citoyenneté parce que les gens s’informent et font valoir leurs droits ».
Eréqua a aussi mis en place un atelier mosaïque animé par une mosaïste passionnée et un animateur socioculturel. Deux ateliers gratuits sont proposés. Le premier accueille les enfants de 9 à 14 ans, qui ne fréquentent pas le service municipal de la jeunesse ou les centres de loisirs ou qui viennent encouragés par leurs parents et éducateurs. Dans cet atelier ouvert, aucun contrat n’est passé avec l’enfant qui y participe librement. Le second atelier accueille les femmes du quartier en partenariat avec l’association Parentage qui travaille sur la fonction parentale. Les œuvres réalisées dans ces ateliers enjolivent le quartier. Une grande mosaïque « L’expression de la cité », fort jolie, colorée et agrémentée des autoportraits des enfants a gagné le premier prix des Rencontres internationales de mosaïques de Chartres. Elle a été exposée à la mairie de Pantin, à l’université de Bobigny et sera installée dans un hall après la réhabilitation de la cité.
Actuellement l’atelier travaille sur des masques qui représentent la multitude de nationalités qui composent le quartier. L’atelier adulte a pour projet la formation d’une ou deux personnes qui devraient permettre de monter un atelier de productions (signalétiques…) qui pourrait être intégré dans le cadre du Grand projet ville. La régie, en collaboration avec les habitants, réalise aussi des actions de convivialité tout au cours de l’année : brocantes, jardin éphémère, animations à caractère ludique. Ces activités fonctionnent bien et désenclavent le quartier, la brocante notamment attire les férus de toute l’Île-de-France. « Les missions des régies sont trop souvent qualifiées de secondaires alors qu’elles sont prioritaires : formations adaptées, valorisation des acquis, développement de la vie associative, initiation à la démocratie participative, accompagnement et soutien individuel dans le parcours citoyen des personnes en situation de précarité, mise en place de solidarités partagées…
En somme tout ce qui donne du sens, de la plus-value sociale aux missions traditionnelles des régies que sont l’insertion, l’emploi, le travail et le tissage ou renforcement du lien social », explique le président du Comité national de liaison des régies de quartier (CNRQ), Guy Dumontier [2]. Dix associations et cinq personnes représentantes du quartier appartiennent au Conseil d’administration de Eréqua.
Eréqua va recruter des médiateurs pour prolonger sa présence sur le quartier en fin d’après midi et en soirée lorsque tous les services publics arrêtent leur activité. Leur rôle sera d’assurer la médiation dans les conflits de voisinage, d’aller à la rencontre des jeunes qui squattent les halls, de réaliser la veille technique « l’absence d’une ampoule dans les halls peut provoquer un sentiment d’insécurité », illustre le directeur. Ils auront un rôle de veille sociale, de sécurisation des habitants. Le médiateur travaillera également avec l’école, pour anticiper les problèmes : l’exclusion d’un élève à la suite d’un conseil de discipline par exemple. Pourquoi ne pas inciter les habitants à pratiquer eux-mêmes la médiation ? « Ils ne peuvent pas se mobiliser la nuit, et puis la médiation est un vrai métier, », explique Thierry de Lavau. « Cependant, pour que des médiateurs soient acceptés dans un quartier le projet doit se faire avec les habitants. Nous avons organisé des journées portes ouvertes autour de la médiation et des réunions publiques ».
Comment mesurer l’impact d’une régie de quartier ? Le contact avec les jeunes est bon, la régie permet à certains d’entre eux de travailler ; Eréqua intervient chez les locataires et cela se sait, elle est entrée dans un appartement sur cinq ; le taux de participation aux activités est important ; les salariés, les locaux où véhicules n’ont jamais subi d’actes de malveillance. Que reste-t-il à améliorer ? « Pour l’instant les projets sont montés par la régie et soutenus par les habitants, nous souhaitons que ce soit le contraire. Le temps, le réflexe, la confiance le permettront ».En ligne : https://www.lien-social.com/Une-insertion-par-l-economie-et-le-lien-social Permalink : https://cs.iut.univ-tours.fr/index.php?lvl=notice_display&id=198630 Des régies de quartier bourrées d’idées / Joël Plantet in Lien Social : quinzomadaire indépendant d'actualité sociale, 636 (3 octobre 2002)
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[article]
Titre : Des régies de quartier bourrées d’idées Type de document : document électronique Auteurs : Joël Plantet, Auteur Année de publication : 2002 Langues : Français (fre) Résumé : Insertion par l’économique, citoyenneté et lien social figurent parmi les maîtres mots, en termes d’objectifs, des régies de quartier. Celles-ci existent en effet depuis le début des années quatre-vingt, mais elles n’ont pas émergé partout où il le faudrait. L’exemple parisien nous indique ainsi que sans volonté politique, elle ne peut se mettre en place, mais qu’une fois l’impulsion donnée, les habitants y trouvent leur compte
Les 28 et 29 septembre 2002, l’assemblée générale du Comité national de liaison des régies de quartier (CNLRQ) [1] se réunissait à Dourdan, dans la région parisienne. La situation politique et sociale des 140 quartiers concernés par une implantation de régie y était largement évoquée. Mais dans les esprits, était présent le fait que pour la première fois, le Comité s’était résolument engagé lors des dernières élections présidentielles en appelant « tous ses militants, bénévoles ou salariés, et au-delà, tous les habitants des quartiers populaires à repousser les thèses xénophobes, extrémistes, excluantes ». Une nouvelle dimension avait bel et bien émergé là.
En effet, l’enjeu est de taille. Vis-à-vis du thème de l’insécurité, récemment mis à toutes les sauces électorales — et dont on voit parfois actuellement avec effarement de quelle utilisation démagogique il peut faire l’objet —, il s’était agi de prendre position le plus clairement possible : « lorsque l’on parle de l’insécurité de tel quartier ou dans tel autre, de la dégradation de l’environnement ou de l’oisiveté ou désinvolture des jeunes », réajustait une adresse du CNLRQ aux candidats aux élections législatives, « on devrait immédiatement parler de l’insécurité économique dans laquelle sont maintenues bon nombre de structures de terrain. On devrait parler du peu de perspectives de sortie de crise pour les plus exclus des habitants, de l’enclavement de certaines zones… ». Six grandes questions étaient posées à chaque postulant, concernant l’accès à l’emploi, la vie citoyenne, les discriminations, le désenclavement des quartiers ou l’association des habitants à la politique de la Ville.
Alors, comment définir aujourd’hui, fin 2002, la régie de quartier ? Structure d’insertion professionnelle de proximité, outil de redynamisation économique locale, elle a, plus que jamais, pour objectif de créer de l’activité économique solidaire, du lien social, de la citoyenneté. Le plus souvent, elle associe collectivité locale, bailleurs sociaux et habitants pour la gestion d’un territoire précis. Prenons quelques exemples : ici, en Loire-Atlantique, une régie de quartier entretient quotidiennement les abords d’un immeuble composé de 670 logements et de 50 sociétés en triant et recyclant les déchets ; là, à la Réunion, on reconstruit ensemble après un cyclone. Là encore, à Poitiers, trois salariés d’une régie sont allés transmettre leur savoir-faire en matière de construction de triporteur auprès d’artisans du Cameroun… Ici ou là, on organise des actions anti-graffiti, on embauche une « médiatrice de lien associatif » pour mieux monter des projets communs, et on identifie toujours les besoins des habitants.
Certaines villes, qui en auraient pourtant eu le plus grand besoin, ont mis du temps à accepter l’émergence de tels dispositifs. Actuellement, dans la seule régie de quartier parisienne, celle des Amandines, des projets de réhabilitation et d’aide aux habitants sont mis au point, intégrant des bénéficiaires du RMI, des chômeurs de longue durée et… des jeunes. Un jardin de voisinage a ainsi récemment été réalisé, avec possibilité pour plusieurs dizaines d’habitants de planter, de jardiner, de produire des fleurs ou des légumes. Des fresques éphémères ont été peintes, et l’expérience doit être reconduite ; des bals, des vide-greniers, des marchés occasionnels (une brocante aux plantes, fin septembre) et des repas de quartier sont régulièrement organisés.
En outre, les fondations d’une deuxième régie parisienne sont en train de s’élaborer actuellement : dans le XIXe arrondissement, une association de préfiguration s’est mise en place. L’ouverture d’un espace d’accueil, d’information et de conseil est ainsi prévue prochainement. Comme toutes les autres, cette nouvelle régie entend participer pleinement à l’amélioration des conditions de vie des habitants de ce quartier dit sensible, en s’appuyant sur la création d’emplois de proximité pour les personnes en difficulté.
Qui plus est, une convention a été signée il y a peu entre la mairie de Paris — qui semble vraiment vouloir combler son retard en la matière — et CNLRQ. Il s’agit d’aider des acteurs à monter des projets, à harmoniser les partenariats, à mobiliser les synergies, que celles-ci émanent des habitants, des associations, des bailleurs sociaux ou des mairies d’arrondissement. Avec, à terme, l’émergence prévue d’une dizaine de régies.
Signe encore de cet élan et de cet intérêt municipaux naissants, une rencontre intitulée Les régies de quartier : pour une double démarche d’insertion (expériences, méthodes, réflexions) avait été organisée, mi-juillet, à l’Hôtel de Ville. L’auteur du Guide pratique et méthodologique des régies de quartier, Marc Hatzfeld, y avait développé les notions primordiales de partenariat — élus, bailleurs, habitants —, d’implication citoyenne et d’utilité sociale (notons d’ailleurs que cet ouvrage revenait, en septembre, relooké et mis à jour après cinq ans sous un nouveau titre Tisser le lien social).
Alors, un usager co-gestionnaire de son territoire ? L’enjeu est de taille et, en termes de démocratie participative, l’aventure est en marche.En ligne : https://www.lien-social.com/Des-regies-de-quartier-bourrees-d-idees Permalink : https://cs.iut.univ-tours.fr/index.php?lvl=notice_display&id=198632
in Lien Social : quinzomadaire indépendant d'actualité sociale > 636 (3 octobre 2002)[article] Des régies de quartier bourrées d’idées [document électronique] / Joël Plantet, Auteur . - 2002.
Langues : Français (fre)
in Lien Social : quinzomadaire indépendant d'actualité sociale > 636 (3 octobre 2002)
Résumé : Insertion par l’économique, citoyenneté et lien social figurent parmi les maîtres mots, en termes d’objectifs, des régies de quartier. Celles-ci existent en effet depuis le début des années quatre-vingt, mais elles n’ont pas émergé partout où il le faudrait. L’exemple parisien nous indique ainsi que sans volonté politique, elle ne peut se mettre en place, mais qu’une fois l’impulsion donnée, les habitants y trouvent leur compte
Les 28 et 29 septembre 2002, l’assemblée générale du Comité national de liaison des régies de quartier (CNLRQ) [1] se réunissait à Dourdan, dans la région parisienne. La situation politique et sociale des 140 quartiers concernés par une implantation de régie y était largement évoquée. Mais dans les esprits, était présent le fait que pour la première fois, le Comité s’était résolument engagé lors des dernières élections présidentielles en appelant « tous ses militants, bénévoles ou salariés, et au-delà, tous les habitants des quartiers populaires à repousser les thèses xénophobes, extrémistes, excluantes ». Une nouvelle dimension avait bel et bien émergé là.
En effet, l’enjeu est de taille. Vis-à-vis du thème de l’insécurité, récemment mis à toutes les sauces électorales — et dont on voit parfois actuellement avec effarement de quelle utilisation démagogique il peut faire l’objet —, il s’était agi de prendre position le plus clairement possible : « lorsque l’on parle de l’insécurité de tel quartier ou dans tel autre, de la dégradation de l’environnement ou de l’oisiveté ou désinvolture des jeunes », réajustait une adresse du CNLRQ aux candidats aux élections législatives, « on devrait immédiatement parler de l’insécurité économique dans laquelle sont maintenues bon nombre de structures de terrain. On devrait parler du peu de perspectives de sortie de crise pour les plus exclus des habitants, de l’enclavement de certaines zones… ». Six grandes questions étaient posées à chaque postulant, concernant l’accès à l’emploi, la vie citoyenne, les discriminations, le désenclavement des quartiers ou l’association des habitants à la politique de la Ville.
Alors, comment définir aujourd’hui, fin 2002, la régie de quartier ? Structure d’insertion professionnelle de proximité, outil de redynamisation économique locale, elle a, plus que jamais, pour objectif de créer de l’activité économique solidaire, du lien social, de la citoyenneté. Le plus souvent, elle associe collectivité locale, bailleurs sociaux et habitants pour la gestion d’un territoire précis. Prenons quelques exemples : ici, en Loire-Atlantique, une régie de quartier entretient quotidiennement les abords d’un immeuble composé de 670 logements et de 50 sociétés en triant et recyclant les déchets ; là, à la Réunion, on reconstruit ensemble après un cyclone. Là encore, à Poitiers, trois salariés d’une régie sont allés transmettre leur savoir-faire en matière de construction de triporteur auprès d’artisans du Cameroun… Ici ou là, on organise des actions anti-graffiti, on embauche une « médiatrice de lien associatif » pour mieux monter des projets communs, et on identifie toujours les besoins des habitants.
Certaines villes, qui en auraient pourtant eu le plus grand besoin, ont mis du temps à accepter l’émergence de tels dispositifs. Actuellement, dans la seule régie de quartier parisienne, celle des Amandines, des projets de réhabilitation et d’aide aux habitants sont mis au point, intégrant des bénéficiaires du RMI, des chômeurs de longue durée et… des jeunes. Un jardin de voisinage a ainsi récemment été réalisé, avec possibilité pour plusieurs dizaines d’habitants de planter, de jardiner, de produire des fleurs ou des légumes. Des fresques éphémères ont été peintes, et l’expérience doit être reconduite ; des bals, des vide-greniers, des marchés occasionnels (une brocante aux plantes, fin septembre) et des repas de quartier sont régulièrement organisés.
En outre, les fondations d’une deuxième régie parisienne sont en train de s’élaborer actuellement : dans le XIXe arrondissement, une association de préfiguration s’est mise en place. L’ouverture d’un espace d’accueil, d’information et de conseil est ainsi prévue prochainement. Comme toutes les autres, cette nouvelle régie entend participer pleinement à l’amélioration des conditions de vie des habitants de ce quartier dit sensible, en s’appuyant sur la création d’emplois de proximité pour les personnes en difficulté.
Qui plus est, une convention a été signée il y a peu entre la mairie de Paris — qui semble vraiment vouloir combler son retard en la matière — et CNLRQ. Il s’agit d’aider des acteurs à monter des projets, à harmoniser les partenariats, à mobiliser les synergies, que celles-ci émanent des habitants, des associations, des bailleurs sociaux ou des mairies d’arrondissement. Avec, à terme, l’émergence prévue d’une dizaine de régies.
Signe encore de cet élan et de cet intérêt municipaux naissants, une rencontre intitulée Les régies de quartier : pour une double démarche d’insertion (expériences, méthodes, réflexions) avait été organisée, mi-juillet, à l’Hôtel de Ville. L’auteur du Guide pratique et méthodologique des régies de quartier, Marc Hatzfeld, y avait développé les notions primordiales de partenariat — élus, bailleurs, habitants —, d’implication citoyenne et d’utilité sociale (notons d’ailleurs que cet ouvrage revenait, en septembre, relooké et mis à jour après cinq ans sous un nouveau titre Tisser le lien social).
Alors, un usager co-gestionnaire de son territoire ? L’enjeu est de taille et, en termes de démocratie participative, l’aventure est en marche.En ligne : https://www.lien-social.com/Des-regies-de-quartier-bourrees-d-idees Permalink : https://cs.iut.univ-tours.fr/index.php?lvl=notice_display&id=198632