[n° ou bulletin]
Titre : |
n°23 - 2021 - Éduquer en Anthropocène |
Type de document : |
texte imprimé |
Année de publication : |
2021 |
Note générale : |
Présentation du numéro Nathanaël Wallenhorst La datation de l’entrée dans l’Anthropocène. Synthèse d’un débat à destination des enseignants.
- David Porchon L’auteur de la fin du monde : quelques aspects de la catastrophe anthropologique en Anthropocène
- Cécile Redondo et Caroline Ladage. La pédagogie de l’enquête dans le contexte de l’Anthropocène
- Virginie Boelen L’Anthropocène et la crise environnementale : du nécessaire changement de paradigme à son opérationnalisation. Vers une nouvelle approche d’éducation relative à l’environnement
- Maxime Bordes. Penser l’éducation démocratique en Anthropocène
- Tommy Terraz L’Anthropocène peut-il devenir l’ère de l’altruisme ? Proposition de défis à relever pour l’Éducation
- Renaud Hétier L’enfance et ses limites : de la contenance à la créativité
- Nicolas Hervé, Nathalie Panissal, François Schouver, Catherine Gueziec. Développer la pensée prospective ? Quelques balises pour l’étude des futurs de la forêt en lycée agricole
- Nadine Boudou. Les représentations post-apocalyptiques de l’Anthropocène. Imaginaires du désastre
- Camille Roelens Hayao Miyazaki, éducateur précoce en Anthropocène ?
- Nathanaël WadbIed Y a-t-il un patrimoine de l’anthropocène ? Désapprendre ou apprendre à percevoir au-delà de la différence entre nature et culture |
Langues : |
Français (fre) |
Résumé : |
Première partie : Epistémologie et Formation
81-Nathanaël Wallenhorst La datation de l’entrée dans l’Anthropocène. Synthèse d’un débat à destination des enseignants.
Le numéro Eduquer en Anthropocène ouvre sur une synthèse approfondie du débat stratigraphique relatif à la datation de l’entrée dans l’Anthropocène. Par l’article « La datation de l’entrée dans l’Anthropocène. Synthèse d’un débat à destination des enseignants », Nathanaël Wallenhorst explique que le débat stratigraphique est généralement moins investi par les sciences humaines et sociales que le débat relatif à l’altération systémique du fonctionnement de la Terre avec les travaux portant sur le franchissement des limites planétaires. Or, il apparaît nécessaire de bien comprendre ce débat stratigraphique car c’est lui qui aboutira à un amendement de l’échelle des temps géologiques par l’Union Internationale des Sciences Géologiques faisant figurer cette nouvelle époque géologique – dont la date d’entrée sera apprise par tous les élèves du monde (ou presque). Cet article explore chacune des dates candidates à l’entrée dans l’Anthropocène travaillées au sein de ce débat permettant ainsi aux enseignants d’avoir les clés pour comprendre ce qui apparaît parfois comme un débat d’experts difficile d’accès.
Ouvrir le numéro Éduquer en Anthropocène de la Revue Recherches & Éducations par cet article est primordial. Il est à comprendre d’un point de vue téléologique et offre également une lecture critique. Il permet que les enseignants, les formateurs, les acteurs du social, de l’éducatif et de la santé, ainsi que les chercheurs toutes sciences confondues aient accès à ce débat. Qu’enfin soient posées, par un travail exigeant et scientifique, les questions nécessaires de l’éducation en Anthropocène. La thématisation téléologique ainsi que la richesse des théorisations et des modèles référencés proposent réflexions et outils sur la possibilité et l’urgence vitale d’enseigner sur cette question pour que se poursuive « l’aventure humaine (en transmettant des savoirs, structurant des débats ou accompagnement les réflexions des élèves) ». L’auteur interroge tout au long de son développement scientifique ce : « que l’école nous a transmis de fondamental qui apparaît sous un nouveau jour à l’aune de l’Anthropocène ».
7 Homo politicus : conception de l’homme politique selon Platon, cf. entre autres Platon, Protagoras.
8 Cette position de l’humain « au centre » de la nature est du moins symptomatique des sociétés produ (...)
92. David Porchon L’auteur de la fin du monde : quelques aspects de la catastrophe anthropologique en Anthropocène
Le numéro se poursuit par l’approche originale de David Porchon, auteur de « La fin du monde : quelques aspects de la catastrophe anthropologique en Anthropocène ». Celui- ci pose la question suivante : « Aurions-nous affaire à un Homo politicus7 auteur et spectateur de sa propre auto-destruction ? ». Ce point d’ancrage fait l’objet de fouilles pluri et transdisciplinaires autour du sujet Anthropocène : « Quelle catastrophe anthropologique se dissimule en creux de la catastrophe climatique et environnementale ? Cet article propose une introduction à l’étude de l’Anthropocène comme violence de masse ». L’auteur propose une analyse réflexive passionnante sur le fait que « l’environnement ne serait pas autour de nous, il serait à l’intérieur de nous (Serres, 1990). » Il recentre le débat sur la place de l’Homme : « Le paradoxe de l’époque qu’est l’Anthropocène consisterait donc en ceci que c’est précisément parce que l’humain se pense être au centre de l’environnement qu’il s’en extrait8. Son analyse pertinente, critique interroge la place, la dynamique, la puissance d’action, de révélation au monde que serait l’Anthropocène : « L’Anthropocène pourrait-elle être un révélateur de nos mythes ? Ceci semble nous poser une question : quelle est donc la catastrophe anthropologique qui se dissimulerait en creux de la catastrophe environnementale ? »
103. Nicolas Hervé, Nathalie Panissal, François Schouver, Catherine Gueziec. Développer la pensée prospective ? Quelques balises pour l’étude des futurs de la forêt en lycée agricole
L’article de Nicolas Hervé, Nathalie Panissal, François Schouver et de Catherine Gueziec « Développer la pensée prospective ? Quelques balises pour l’étude des futurs de la forêt en lycée agricole », « vise à identifier des balises pour concevoir des dispositifs d’enseignement de questions socialement vives (QSV) liées à l’Anthropocène permettant de développer la pensée prospective. Pour cela, la pensée prospective est caractérisée à partir de l’analyse de productions d’élèves dans deux séquences d’enseignement portant sur la forêt comme QSV. Les résultats montrent qu’il est important de concevoir des dispositifs qui s’appuient sur des rationalités différentes (scientifiques, techniques, littéraires, artistiques) et qui permettent de penser les temporalités des processus et phénomènes, d’articuler des points de vue analytique et systémique, d’investir les responsabilités relationnelles ». Les auteur.e.s donnent à l’Anthropocène le nom de « nouvelle expérience de la temporalité (Danowski et Viveiros de Castro, 2014, p. 291) ». Ils montrent l’existence d’une confusion dans les repères temporels et posent la nécessité d’une éducation en Anthropocène « qui prenne en compte et modifie l’expérience de la temporalité, en prenant acte des certitudes bio-géophysiques et en ouvrant les futurs à des possibles, non seulement probables, mais aussi souhaitables. Le développement de la pensée dite prospective est déjà considéré comme une dimension importante de l’éducation au développement durable (Julien et al., 2014 ; Pache et al., 2016 ; Pruneau et al., 2013), notamment pour l’aménagement des territoires. »
Les auteur.e.s répondent à leurs hypothèses en utilisant le modèle psycho-social d’Ahvenharju et al. (2018), dont la pensée prospective est caractérisée par cinq dimensions : la perspective temporelle, le souci des autres, la pensée systémique, l’ouverture aux alternatives, la croyance en l’agentivité.
114. Nadine Boudou. Les représentations post-apocalyptiques de l’Anthropocène. Imaginaires du désastre
La réflexion sur « Les représentations post-apocalyptiques de l’Anthropocène. Imaginaires du désastre » de Nadine Boudou a pour objectif de « montrer en quoi la crise écologique en étant objet de fiction peut être mise au service d’une éducation à l’Anthropocène. En décrivant l’effondrement menant à l’extinction de l’humanité, la fiction post-apocalyptique rend compte de la destruction d’un monde commun. Elle fait apparaître le caractère insoutenable de notre modèle de développement basé sur la surexploitation des ressources naturelle en mettant en relation les crises écologiques, climatiques, sanitaires et économiques. Le cinéma post-apocalyptique parvient à synthétiser des craintes communes face à un monde hanté par les successions de catastrophes qui ont émaillé le cours de son histoire récente et qui influencent, au présent, notre perception de l’avenir. Sur cette base nous nous attacherons à montrer que le cinéma post-apocalyptique, tout en donnant forme aux imaginaires du désastre, peut contribuer par sa vision délibérément sombre et désespérée du monde de demain à alerter et faire réagir positivement le public. La fascination que procure le spectacle horrifique et hallucinatoire de l’effondrement du monde peut susciter, aussi, l’espoir de son renouvellement. » . À partir d’un corpus de films post-apocalyptiques l’auteure montre ce qui fait écho aux questions sur l’Anthropocène, et la nécessité de croire en l’éducation en Anthropocène. En posant les questions des violences émergeantes dans ces films et projectives/futuristes, etc., sur notre réel, l’auteure nous fait entrevoir et entre-comprendre (prendre avec soi) qu’il est possible par anticipation de nous « réveiller » positivement et « d’insister sur l’attente d’un changement que ces films, en se focalisant sur une violence inéluctable qu’entraînerait une catastrophe globale, peuvent faire naître. La peur qu’entretient l’anticipation du désastre peut orienter notre action afin d’éviter le pire que ces fictions nous décrivent. » Elle souligne par ailleurs que Michaël Fœssel remarque que la conséquence positive la plus régulièrement citée en faveur du catastrophisme est qu’il contribue à l’apparition d’une conscience mondiale (Fœssel, 2012, p. 243)
125. Virginie Boelen L’Anthropocène et la crise environnementale : du nécessaire changement de paradigme à son opérationnalisation. Vers une nouvelle approche d’éducation relative à l’environnement.
Virginie Boelen vient confirmer cette notion paradigmatique dans son article : L’Anthropocène et la crise environnementale : du nécessaire changement de paradigme à son opérationnalisation. Vers une nouvelle approche d’éducation relative à l’environnement . L’auteure traduit « la crise environnementale, comme produit de l’Anthropocène, qui stigmatise la rupture de la relation de l’être humain avec la nature et soulève la question du sens d’un tel rapport au monde. Une telle crise ne peut être ignorée en éducation, levier de conscientisation. L’implantation d’une éducation relative à l’environnement (ERE) devenue majoritairement une éducation au développement durable ne semble pas concluante auprès des jeunes et appelle à d’autres propositions éducatives. Cet article expose les fondements d’une approche holistique d’ERE qui mobilise toutes les dimensions du jeune : corporelle, rationnelle et spirituelle pour permettre une compréhension profonde de son lien à son milieu de vie naturel et une mobilisation écocitoyenne. Il s’agira de s’intéresser à une composante de notre humanité souvent incomprise et mise de côté en éducation : la spiritualité, source de reliance. Une telle proposition remet en question le paradigme dominant existant pour définir les contours d’un paradigme invitant à une symbiosynergie entre l’être humain, le groupe social et la nature. Elle propose un modèle éducationnel alternatif holistique dont le but est de permettre au jeune une compréhension profonde de son lien à son milieu de vie naturel. L’idée est de permettre au jeune d’apprendre à être un responsable écocitoyen « pour une justice socioécologique et un vivre ensemble incluant l’ensemble du vivant (Sauvé, 2018 ; Serres, 2018) ».
136. Nathanaël WadbIed Y a-t-il un patrimoine de l’anthropocène ? Désapprendre ou apprendre à percevoir au-delà de la différence entre nature et culture.
L’article de Nathanaël Wadbled est pertinent et demande qu’on le regarde et le lise au-delà, c’est-à-dire en deuxième instance, en deuxième intention de nous interpeller : « Y a-t-il un patrimoine de l’anthropocène ? Désapprendre ou apprendre à percevoir au-delà de la différence entre nature et culture patrimoine. » Exercice dans l’exercice de démonstration, l’auteur part de ce point d’ancrage « le patrimoine est une façon de penser le monde et de se penser dans le monde » afin de nous ouvrir et de nous offrir une double lecture ou un double regard sur comment le patrimoine donne à percevoir, à voir, à comprendre le monde et comment nous pourrions nous humains à partir de son histoire ou historicité repenser ou panser ce que nous abimons de lui qui est nommé patrimoine aujourd’hui et ce qui le sera dans un futur s’il subsiste à nous. « L’expérience du patrimoine n’est pas seulement celle d’une histoire passée ou d’un environnement naturel à propos desquels il est possible d’apprendre des choses. C’est également celle d’un certain rapport entre la nature et la culture caractéristique de la modernité : le patrimoine donne à voir un monde où les constructions humaines et les environnements naturels doivent être protégés l’un de l’autre pour être conservés. Ceux qui en font l’expérience intériorisent ainsi cette manière d’appréhender les choses où il n’y a pas de place pour l’anthropocène, définie comme l’environnement où l’action des humains modifie l’environnement au même titre que celles des autres agents naturels. Son existence est signalée dans certains espaces, mais ils restent à la lisière du patrimoine : les paysages ruraux et les ruines abandonnés. Les premiers sont inscrits dans le patrimoine sans pour autant que leur forme hybride ne trouve de catégories pour être désignée. Les seconds en sont simplement exclus et sont constitués en anomalies. Pour engager la transition vers une conscience environnementale, il faudrait qu’ils soient reconnus comme un patrimoine de l’anthropocène qui aurait sa place légitime à côté des patrimoines culturels et naturels. ».
Deuxième Partie : Pistes pour l’éducation et la pédagogie
147. Camille Roelens Hayao Miyazaki, éducateur précoce en Anthropocène ?
L’article de Camille Roelens « Hayao Miyazaki, éducateur précoce en Anthropocène ? » offre une approche originale. En effet, « l’objet de cet article est de proposer, à l’aune du thème de ce dossier, une étude des deux grandes fresques écologiques du maitre japonais de l’animation et du studio Ghibli Hayao Miyazaki que sont Nausicaä de la Vallée du Vent (1984) et Princesse Mononoké (1997). Cette étude est menée du double point de vue de la philosophie herméneutique culturelle de l’éducation et de la philosophie politique de l’éducation. Une première partie montre que ces œuvres témoignent d’une conscience précoce de Miyazaki des principaux enjeux de l’Anthropocène et de ses préoccupations pédagogiques. Une deuxième met en évidence le souci constant de Miyazaki de déployer sa pensée écologique dans un registre humaniste. Cette proposition peut ainsi être soluble dans la structuration autonome du monde humain. » Cet article renvoie au concept large de responsabilité, mentionnée par l’auteur, de laquelle s’opposerait deux visions de la préservation des humains soit globale ou soit respectant leur singularité donnant autonomie, la première se voulant holistique et la seconde individualiste.
De l’étude de ces fresques émerge une question clé. L’auteur cherche à savoir « si une fin de la préservation et de protection justifie d’emblée les moyens (y compris d’exception) pouvant être mobilisés pour l’atteindre. Son corolaire est de savoir s’il est possible, avec ces bornes irréductibles des droits individuels, d’être suffisamment conséquent dans la défense des conditions politiques et environnementales de possibilité de la vie et de l’autonomie humaine. 8. Cécile Redondo et Caroline Ladage. La pédagogie de l’enquête dans le contexte de l’Anthropocène
158. Cécile Redondo et Caroline Ladage ont travaillé sur « La pédagogie de l’enquête dans le contexte de l’Anthropocène ». Elles proposent « de contribuer aux recherches qui questionnent les pratiques pédagogiques mises en œuvre pour l’enseignement des phénomènes de changement et de transformation de la société mis en lumière par le concept d’Anthropocène, et qui invitent à un changement du paradigme éducatif traditionnel. Dans le prolongement de recherches sur les questions soulevées par l’enseignement dans le cadre des « éducations à », nous proposons d’aborder, sous les angles didactique et pédagogique, l’apport de la pédagogie de l’enquête d’une part pour l’apprentissage du questionnement et de la problématisation et d’autre part pour l’enseignement des enjeux mis en lumière par le concept d’Anthropocène. Nous étudions les questions épistémologiques qui se posent en contexte éducatif et envisageons dans une perspective de changement paradigmatique l’introduction d’une pédagogie de l’enquête dans l’enseignement supérieur. Notre dispositif méthodologique porte sur une expérimentation basée sur un travail dirigé qui s’appuie sur un forum de discussion à distance et sur Internet comme infrastructure d’enquête. Les résultats révèlent un ensemble de conditions à réunir qui déterminent l’efficacité du recours à la pédagogie de l’enquête comme contribution à l’enseignement de la complexité des enjeux sociétaux et environnementaux dans le contexte de l’Anthropocène ». Les auteures abordent la question de l’Anthropocène « comme objet d’étude et aussi comme contexte social aux enjeux duquel le système éducatif en général doit répondre ».
La question d’éducation et de formation est traitée par trois points afin de repenser l’éducation en Anthropocène de manière nouvelle et de sceller l’importance du rôle de l’école dans cette transmission : « 1) une atténuation du phénomène (de pollution par exemple), 2) une adaptation (des citoyens de demain) face aux évolutions actuelles (via les éducations à par exemple) et 3) un engagement par l’action ». La question que les auteures posent à réflexion est « de savoir si la notion d’Anthropocène vient simplement se surajouter (ou se substituer) à celles déjà présentes dans les programmes/curriculums institutionnels (comme celles de DD, de « transition écologique », d’« économie/croissance verte », etc.), ou bien si ce qu’elle désigne et la manière dont elle le problématise remet davantage en cause le système éducatif existant ». Le paradigme Anthropocène prend sa place dans le débat éducatif et l’action éducative… 9. Renaud Hétier L’enfance et ses limites : de la contenance à la créativité
169. Renaud Hétier aborde la question de « L’enfance et ses limites : de la contenance à la créativité ». Un article ouvrant sur une belle notion empruntée à Arnsperger et Bourg qu’est le « potentiel anthropologique d’illimitation ». Pour l’auteur : « L’anthropocène confronte l’humanité à la notion de limite à nouveaux frais. En effet, nous « découvrons » que notre environnement nous contient, et que ni ses ressources ni son espace ne sont infinis. C’est une épreuve, alors que l’humanité s’est construite sur un élan de dépassement toujours renouvelé. Tout le problème est de savoir si les limites à respecter pour maintenir l’habitabilité de la Terre doivent l’être de façon autoritaire, ou par l’éducation, et quant à celle-ci, si elle doit mobiliser la raison ou la sensibilité. Ceci est d’autant plus important que notre société tend à s’infantiliser, et à revendiquer une jouissance immédiate et illimitée. Dans ces conditions, il devient impérieux, en éducation, que l’enfant bénéficie d’un cadre suffisamment contenant, et avec suffisamment de présence, notamment dans un contexte de virtualisation/numérisation de notre rapport au monde, qui affecte particulièrement les enfants et les adolescents. Sur ce fond, on pourra enfin tracer les contours d’une sollicitation culturelle qui permette de mettre en jeu sa propension à l’illimitation pour mieux la contenir et la dépasser. L’auteur construit sa démonstration en étudiant trois œuvres de littérature de jeunesse dans « cette perspective du geste créatif (Elzbieta, 2000, Légaut, 1998, Ramos, 1997). La créativité en miroir des personnages et des auteurs sera analysée comme susceptible de sensibiliser les lecteurs et de comprendre autrement leur rapport au monde (Laugier, 2009, 2012). »
1710. Maxime Bordes. Penser l’éducation démocratique en Anthropocène
Maxime Bordes aborde le paradigme Anthropocène du point de vue des pédagogies nouvelles et amorce les notions de démocratie participative par le travail et la pensée de Dewey dans « Penser l’éducation démocratique en Anthropocène ». Pour lui, « les gouvernements des démocraties occidentales font depuis quelques années l’objet de vives critiques concernant leur manque d’engagement face aux enjeux environnementaux contemporains, certains voient dans cette inaction une limite propre au système représentatif favorisant la satisfaction de l’intérêt immédiat des représentés au détriment des questions de long terme. Pour pallier ces difficultés, l’intérêt du développement des démarches de participation citoyenne aux processus de décision afin de mobiliser les populations et légitimer ces choix est souligné. Dans cette perspective, comment penser une éducation démocratique offrant aux élèves les outils pour prendre en compte les problématiques environnementales et répondre aux défis de l’Anthropocène ? ».
1811. Tommy Terraz L’Anthropocène peut-il devenir l’ère de l’altruisme ? Proposition de défis à relever pour l’Éducation.
« L’Anthropocène peut-il devenir l’ère de l’altruisme ? Proposition de défis à relever pour l’Éducation » que Tommy Terraz axe dans la mutation anthropologique fabrique d’un individu « égo-grégaire » (Dufour, 2007, 2011). « Considérant les mutations anthropologiques à l’œuvre dans l’Anthropocène, ère définie par l’irréversibilité des actions humaines sur la nature, cet article examine en quoi ces mutations révèlent un trouble pour le moins inquiétant dans les relations que l’individu hypermoderne entretient avec l’altérité, et il tente de dessiner des directions pour l’éducation. L’individualisme des Lumières dévoyé en égoïsme, l’emprise prédatrice sur les êtres et les milieux vivants qu’autorise le déploiement de l’idéologie néolibérale, la crise de la transmission constituent autant d’obstacles à une prise en compte de l’autre susceptible de ralentir ou de déjouer la course des effondrements ; cependant, nous pensons qu’il est encore possible de proposer, en appui sur un modèle philosophique construit en sciences de l’éducation, une éthique de l’altruisme prenant en compte l’autrui universel, et en particulier le tiers, qu’il soit humain ou non humain. Quatre défis pour l’éducation, interreliés, déclineront cette éducation à et par l’altruisme : éduquer à l’interdépendance de tous les êtres, intégrer le tiers personnel et symbolique, redonner du sens à la transmission et au dialogue, et éduquer aux limites de soi-même, de l’autre et du monde ».
Un regard critique est porté sur les humains aux prises de/avec leurs pulsions, passions, actions en miroir (effet boomerang) dans le système d’économie marchande néolibéral, acteurs et sujets de leur propre destruction, victimes et bourreaux de la destruction de la nature afin qu’ils posent et se posent la question de leur propre éducation en Anthropocène. Pour l’auteur ils doivent « reconnaître qu’ils ne sont pas tout-puissants sur leur environnement, ni autoproduits ou autosuffisants. Il s’agirait de permettre à ces individus de s’émanciper comme personnes, d’aller au-delà de l’égoïsme et de l’égocentrisme, et cela passe par la reconnaissance de leur interdépendance au regard d’autrui et plus généralement de tous les êtres ». |
Note de contenu : |
Alix Garnier, Renaud Hétier, Marie-Louise Martinez et Nathanaël Wallenhorst
Éduquer en Anthropocène:un paradigme éducatif à construire pour le 21ème siècle [Texte intégral]
Nathanaël Wallenhorst
La datation de l’entrée dans l’Anthropocène [Texte intégral]
Synthèse d’un débat à destination des enseignants
David Porchon
L’auteur de la fin du monde : quelques aspects de la catastrophe anthropologique en Anthropocène [Texte intégral]
Cécile Redondo et Caroline Ladage
La pédagogie de l’enquête dans le contexte de l’Anthropocène [Texte intégral]
Virginie Boelen
L’Anthropocène et la crise environnementale :
du nécessaire changement de paradigme à son opérationnalisation [Texte intégral]
Vers une nouvelle approche d’éducation relative à l’environnement
Maxime Bordes
Penser l’éducation démocratique en Anthropocène [Texte intégral]
Tommy Terraz et Amandine Denimal
L’Anthropocène peut-il devenir l’ère de l’altruisme ? [Texte intégral]
Proposition de défis à relever pour l’Éducation
Renaud Hétier
L’enfance et ses limites : de la contenance à la créativité [Texte intégral]
Nicolas Hervé, Nathalie Panissal, François Schouver et Catherine Gueziec
Développer la pensée prospective ? [Texte intégral]
Quelques balises pour l’étude des futurs de la forêt en lycée agricole
Develop futures thinking? Some benchmarks for the study of forest’s futures in agricultural teaching.
Nadine Boudou
Les représentations post-apocalyptiques de l’Anthropocène
Imaginaires du désastre [Texte intégral]
Camille Roelens
Hayao Miyazaki, éducateur précoce en Anthropocène ? [Texte intégral]
Nathanaël Wadbled
Y a-t-il un patrimoine de l’anthropocène ? [Texte intégral]
Désapprendre ou apprendre à percevoir au-delà de la différence entre nature et culture
Deborah A. Bowman
Le refuge de montagne [Texte intégral]
Figure de résistance, espace d'immersion, hétérotopie dans les bois -n°2
The Mountain Refuge : Figure of Resistance, Space of Immersion, Heterotopia in the Woods - n°2
Tableau de synthèse des expertises [Texte intégral] |
En ligne : |
https://journals.openedition.org/rechercheseducations/11489 |
Permalink : |
https://cs.iut.univ-tours.fr/index.php?lvl=bulletin_display&id=61345 |
[n° ou bulletin]
n°23 - 2021 - Éduquer en Anthropocène [texte imprimé] . - 2021. Présentation du numéro Nathanaël Wallenhorst La datation de l’entrée dans l’Anthropocène. Synthèse d’un débat à destination des enseignants.
- David Porchon L’auteur de la fin du monde : quelques aspects de la catastrophe anthropologique en Anthropocène
- Cécile Redondo et Caroline Ladage. La pédagogie de l’enquête dans le contexte de l’Anthropocène
- Virginie Boelen L’Anthropocène et la crise environnementale : du nécessaire changement de paradigme à son opérationnalisation. Vers une nouvelle approche d’éducation relative à l’environnement
- Maxime Bordes. Penser l’éducation démocratique en Anthropocène
- Tommy Terraz L’Anthropocène peut-il devenir l’ère de l’altruisme ? Proposition de défis à relever pour l’Éducation
- Renaud Hétier L’enfance et ses limites : de la contenance à la créativité
- Nicolas Hervé, Nathalie Panissal, François Schouver, Catherine Gueziec. Développer la pensée prospective ? Quelques balises pour l’étude des futurs de la forêt en lycée agricole
- Nadine Boudou. Les représentations post-apocalyptiques de l’Anthropocène. Imaginaires du désastre
- Camille Roelens Hayao Miyazaki, éducateur précoce en Anthropocène ?
- Nathanaël WadbIed Y a-t-il un patrimoine de l’anthropocène ? Désapprendre ou apprendre à percevoir au-delà de la différence entre nature et culture Langues : Français ( fre)
Résumé : |
Première partie : Epistémologie et Formation
81-Nathanaël Wallenhorst La datation de l’entrée dans l’Anthropocène. Synthèse d’un débat à destination des enseignants.
Le numéro Eduquer en Anthropocène ouvre sur une synthèse approfondie du débat stratigraphique relatif à la datation de l’entrée dans l’Anthropocène. Par l’article « La datation de l’entrée dans l’Anthropocène. Synthèse d’un débat à destination des enseignants », Nathanaël Wallenhorst explique que le débat stratigraphique est généralement moins investi par les sciences humaines et sociales que le débat relatif à l’altération systémique du fonctionnement de la Terre avec les travaux portant sur le franchissement des limites planétaires. Or, il apparaît nécessaire de bien comprendre ce débat stratigraphique car c’est lui qui aboutira à un amendement de l’échelle des temps géologiques par l’Union Internationale des Sciences Géologiques faisant figurer cette nouvelle époque géologique – dont la date d’entrée sera apprise par tous les élèves du monde (ou presque). Cet article explore chacune des dates candidates à l’entrée dans l’Anthropocène travaillées au sein de ce débat permettant ainsi aux enseignants d’avoir les clés pour comprendre ce qui apparaît parfois comme un débat d’experts difficile d’accès.
Ouvrir le numéro Éduquer en Anthropocène de la Revue Recherches & Éducations par cet article est primordial. Il est à comprendre d’un point de vue téléologique et offre également une lecture critique. Il permet que les enseignants, les formateurs, les acteurs du social, de l’éducatif et de la santé, ainsi que les chercheurs toutes sciences confondues aient accès à ce débat. Qu’enfin soient posées, par un travail exigeant et scientifique, les questions nécessaires de l’éducation en Anthropocène. La thématisation téléologique ainsi que la richesse des théorisations et des modèles référencés proposent réflexions et outils sur la possibilité et l’urgence vitale d’enseigner sur cette question pour que se poursuive « l’aventure humaine (en transmettant des savoirs, structurant des débats ou accompagnement les réflexions des élèves) ». L’auteur interroge tout au long de son développement scientifique ce : « que l’école nous a transmis de fondamental qui apparaît sous un nouveau jour à l’aune de l’Anthropocène ».
7 Homo politicus : conception de l’homme politique selon Platon, cf. entre autres Platon, Protagoras.
8 Cette position de l’humain « au centre » de la nature est du moins symptomatique des sociétés produ (...)
92. David Porchon L’auteur de la fin du monde : quelques aspects de la catastrophe anthropologique en Anthropocène
Le numéro se poursuit par l’approche originale de David Porchon, auteur de « La fin du monde : quelques aspects de la catastrophe anthropologique en Anthropocène ». Celui- ci pose la question suivante : « Aurions-nous affaire à un Homo politicus7 auteur et spectateur de sa propre auto-destruction ? ». Ce point d’ancrage fait l’objet de fouilles pluri et transdisciplinaires autour du sujet Anthropocène : « Quelle catastrophe anthropologique se dissimule en creux de la catastrophe climatique et environnementale ? Cet article propose une introduction à l’étude de l’Anthropocène comme violence de masse ». L’auteur propose une analyse réflexive passionnante sur le fait que « l’environnement ne serait pas autour de nous, il serait à l’intérieur de nous (Serres, 1990). » Il recentre le débat sur la place de l’Homme : « Le paradoxe de l’époque qu’est l’Anthropocène consisterait donc en ceci que c’est précisément parce que l’humain se pense être au centre de l’environnement qu’il s’en extrait8. Son analyse pertinente, critique interroge la place, la dynamique, la puissance d’action, de révélation au monde que serait l’Anthropocène : « L’Anthropocène pourrait-elle être un révélateur de nos mythes ? Ceci semble nous poser une question : quelle est donc la catastrophe anthropologique qui se dissimulerait en creux de la catastrophe environnementale ? »
103. Nicolas Hervé, Nathalie Panissal, François Schouver, Catherine Gueziec. Développer la pensée prospective ? Quelques balises pour l’étude des futurs de la forêt en lycée agricole
L’article de Nicolas Hervé, Nathalie Panissal, François Schouver et de Catherine Gueziec « Développer la pensée prospective ? Quelques balises pour l’étude des futurs de la forêt en lycée agricole », « vise à identifier des balises pour concevoir des dispositifs d’enseignement de questions socialement vives (QSV) liées à l’Anthropocène permettant de développer la pensée prospective. Pour cela, la pensée prospective est caractérisée à partir de l’analyse de productions d’élèves dans deux séquences d’enseignement portant sur la forêt comme QSV. Les résultats montrent qu’il est important de concevoir des dispositifs qui s’appuient sur des rationalités différentes (scientifiques, techniques, littéraires, artistiques) et qui permettent de penser les temporalités des processus et phénomènes, d’articuler des points de vue analytique et systémique, d’investir les responsabilités relationnelles ». Les auteur.e.s donnent à l’Anthropocène le nom de « nouvelle expérience de la temporalité (Danowski et Viveiros de Castro, 2014, p. 291) ». Ils montrent l’existence d’une confusion dans les repères temporels et posent la nécessité d’une éducation en Anthropocène « qui prenne en compte et modifie l’expérience de la temporalité, en prenant acte des certitudes bio-géophysiques et en ouvrant les futurs à des possibles, non seulement probables, mais aussi souhaitables. Le développement de la pensée dite prospective est déjà considéré comme une dimension importante de l’éducation au développement durable (Julien et al., 2014 ; Pache et al., 2016 ; Pruneau et al., 2013), notamment pour l’aménagement des territoires. »
Les auteur.e.s répondent à leurs hypothèses en utilisant le modèle psycho-social d’Ahvenharju et al. (2018), dont la pensée prospective est caractérisée par cinq dimensions : la perspective temporelle, le souci des autres, la pensée systémique, l’ouverture aux alternatives, la croyance en l’agentivité.
114. Nadine Boudou. Les représentations post-apocalyptiques de l’Anthropocène. Imaginaires du désastre
La réflexion sur « Les représentations post-apocalyptiques de l’Anthropocène. Imaginaires du désastre » de Nadine Boudou a pour objectif de « montrer en quoi la crise écologique en étant objet de fiction peut être mise au service d’une éducation à l’Anthropocène. En décrivant l’effondrement menant à l’extinction de l’humanité, la fiction post-apocalyptique rend compte de la destruction d’un monde commun. Elle fait apparaître le caractère insoutenable de notre modèle de développement basé sur la surexploitation des ressources naturelle en mettant en relation les crises écologiques, climatiques, sanitaires et économiques. Le cinéma post-apocalyptique parvient à synthétiser des craintes communes face à un monde hanté par les successions de catastrophes qui ont émaillé le cours de son histoire récente et qui influencent, au présent, notre perception de l’avenir. Sur cette base nous nous attacherons à montrer que le cinéma post-apocalyptique, tout en donnant forme aux imaginaires du désastre, peut contribuer par sa vision délibérément sombre et désespérée du monde de demain à alerter et faire réagir positivement le public. La fascination que procure le spectacle horrifique et hallucinatoire de l’effondrement du monde peut susciter, aussi, l’espoir de son renouvellement. » . À partir d’un corpus de films post-apocalyptiques l’auteure montre ce qui fait écho aux questions sur l’Anthropocène, et la nécessité de croire en l’éducation en Anthropocène. En posant les questions des violences émergeantes dans ces films et projectives/futuristes, etc., sur notre réel, l’auteure nous fait entrevoir et entre-comprendre (prendre avec soi) qu’il est possible par anticipation de nous « réveiller » positivement et « d’insister sur l’attente d’un changement que ces films, en se focalisant sur une violence inéluctable qu’entraînerait une catastrophe globale, peuvent faire naître. La peur qu’entretient l’anticipation du désastre peut orienter notre action afin d’éviter le pire que ces fictions nous décrivent. » Elle souligne par ailleurs que Michaël Fœssel remarque que la conséquence positive la plus régulièrement citée en faveur du catastrophisme est qu’il contribue à l’apparition d’une conscience mondiale (Fœssel, 2012, p. 243)
125. Virginie Boelen L’Anthropocène et la crise environnementale : du nécessaire changement de paradigme à son opérationnalisation. Vers une nouvelle approche d’éducation relative à l’environnement.
Virginie Boelen vient confirmer cette notion paradigmatique dans son article : L’Anthropocène et la crise environnementale : du nécessaire changement de paradigme à son opérationnalisation. Vers une nouvelle approche d’éducation relative à l’environnement . L’auteure traduit « la crise environnementale, comme produit de l’Anthropocène, qui stigmatise la rupture de la relation de l’être humain avec la nature et soulève la question du sens d’un tel rapport au monde. Une telle crise ne peut être ignorée en éducation, levier de conscientisation. L’implantation d’une éducation relative à l’environnement (ERE) devenue majoritairement une éducation au développement durable ne semble pas concluante auprès des jeunes et appelle à d’autres propositions éducatives. Cet article expose les fondements d’une approche holistique d’ERE qui mobilise toutes les dimensions du jeune : corporelle, rationnelle et spirituelle pour permettre une compréhension profonde de son lien à son milieu de vie naturel et une mobilisation écocitoyenne. Il s’agira de s’intéresser à une composante de notre humanité souvent incomprise et mise de côté en éducation : la spiritualité, source de reliance. Une telle proposition remet en question le paradigme dominant existant pour définir les contours d’un paradigme invitant à une symbiosynergie entre l’être humain, le groupe social et la nature. Elle propose un modèle éducationnel alternatif holistique dont le but est de permettre au jeune une compréhension profonde de son lien à son milieu de vie naturel. L’idée est de permettre au jeune d’apprendre à être un responsable écocitoyen « pour une justice socioécologique et un vivre ensemble incluant l’ensemble du vivant (Sauvé, 2018 ; Serres, 2018) ».
136. Nathanaël WadbIed Y a-t-il un patrimoine de l’anthropocène ? Désapprendre ou apprendre à percevoir au-delà de la différence entre nature et culture.
L’article de Nathanaël Wadbled est pertinent et demande qu’on le regarde et le lise au-delà, c’est-à-dire en deuxième instance, en deuxième intention de nous interpeller : « Y a-t-il un patrimoine de l’anthropocène ? Désapprendre ou apprendre à percevoir au-delà de la différence entre nature et culture patrimoine. » Exercice dans l’exercice de démonstration, l’auteur part de ce point d’ancrage « le patrimoine est une façon de penser le monde et de se penser dans le monde » afin de nous ouvrir et de nous offrir une double lecture ou un double regard sur comment le patrimoine donne à percevoir, à voir, à comprendre le monde et comment nous pourrions nous humains à partir de son histoire ou historicité repenser ou panser ce que nous abimons de lui qui est nommé patrimoine aujourd’hui et ce qui le sera dans un futur s’il subsiste à nous. « L’expérience du patrimoine n’est pas seulement celle d’une histoire passée ou d’un environnement naturel à propos desquels il est possible d’apprendre des choses. C’est également celle d’un certain rapport entre la nature et la culture caractéristique de la modernité : le patrimoine donne à voir un monde où les constructions humaines et les environnements naturels doivent être protégés l’un de l’autre pour être conservés. Ceux qui en font l’expérience intériorisent ainsi cette manière d’appréhender les choses où il n’y a pas de place pour l’anthropocène, définie comme l’environnement où l’action des humains modifie l’environnement au même titre que celles des autres agents naturels. Son existence est signalée dans certains espaces, mais ils restent à la lisière du patrimoine : les paysages ruraux et les ruines abandonnés. Les premiers sont inscrits dans le patrimoine sans pour autant que leur forme hybride ne trouve de catégories pour être désignée. Les seconds en sont simplement exclus et sont constitués en anomalies. Pour engager la transition vers une conscience environnementale, il faudrait qu’ils soient reconnus comme un patrimoine de l’anthropocène qui aurait sa place légitime à côté des patrimoines culturels et naturels. ».
Deuxième Partie : Pistes pour l’éducation et la pédagogie
147. Camille Roelens Hayao Miyazaki, éducateur précoce en Anthropocène ?
L’article de Camille Roelens « Hayao Miyazaki, éducateur précoce en Anthropocène ? » offre une approche originale. En effet, « l’objet de cet article est de proposer, à l’aune du thème de ce dossier, une étude des deux grandes fresques écologiques du maitre japonais de l’animation et du studio Ghibli Hayao Miyazaki que sont Nausicaä de la Vallée du Vent (1984) et Princesse Mononoké (1997). Cette étude est menée du double point de vue de la philosophie herméneutique culturelle de l’éducation et de la philosophie politique de l’éducation. Une première partie montre que ces œuvres témoignent d’une conscience précoce de Miyazaki des principaux enjeux de l’Anthropocène et de ses préoccupations pédagogiques. Une deuxième met en évidence le souci constant de Miyazaki de déployer sa pensée écologique dans un registre humaniste. Cette proposition peut ainsi être soluble dans la structuration autonome du monde humain. » Cet article renvoie au concept large de responsabilité, mentionnée par l’auteur, de laquelle s’opposerait deux visions de la préservation des humains soit globale ou soit respectant leur singularité donnant autonomie, la première se voulant holistique et la seconde individualiste.
De l’étude de ces fresques émerge une question clé. L’auteur cherche à savoir « si une fin de la préservation et de protection justifie d’emblée les moyens (y compris d’exception) pouvant être mobilisés pour l’atteindre. Son corolaire est de savoir s’il est possible, avec ces bornes irréductibles des droits individuels, d’être suffisamment conséquent dans la défense des conditions politiques et environnementales de possibilité de la vie et de l’autonomie humaine. 8. Cécile Redondo et Caroline Ladage. La pédagogie de l’enquête dans le contexte de l’Anthropocène
158. Cécile Redondo et Caroline Ladage ont travaillé sur « La pédagogie de l’enquête dans le contexte de l’Anthropocène ». Elles proposent « de contribuer aux recherches qui questionnent les pratiques pédagogiques mises en œuvre pour l’enseignement des phénomènes de changement et de transformation de la société mis en lumière par le concept d’Anthropocène, et qui invitent à un changement du paradigme éducatif traditionnel. Dans le prolongement de recherches sur les questions soulevées par l’enseignement dans le cadre des « éducations à », nous proposons d’aborder, sous les angles didactique et pédagogique, l’apport de la pédagogie de l’enquête d’une part pour l’apprentissage du questionnement et de la problématisation et d’autre part pour l’enseignement des enjeux mis en lumière par le concept d’Anthropocène. Nous étudions les questions épistémologiques qui se posent en contexte éducatif et envisageons dans une perspective de changement paradigmatique l’introduction d’une pédagogie de l’enquête dans l’enseignement supérieur. Notre dispositif méthodologique porte sur une expérimentation basée sur un travail dirigé qui s’appuie sur un forum de discussion à distance et sur Internet comme infrastructure d’enquête. Les résultats révèlent un ensemble de conditions à réunir qui déterminent l’efficacité du recours à la pédagogie de l’enquête comme contribution à l’enseignement de la complexité des enjeux sociétaux et environnementaux dans le contexte de l’Anthropocène ». Les auteures abordent la question de l’Anthropocène « comme objet d’étude et aussi comme contexte social aux enjeux duquel le système éducatif en général doit répondre ».
La question d’éducation et de formation est traitée par trois points afin de repenser l’éducation en Anthropocène de manière nouvelle et de sceller l’importance du rôle de l’école dans cette transmission : « 1) une atténuation du phénomène (de pollution par exemple), 2) une adaptation (des citoyens de demain) face aux évolutions actuelles (via les éducations à par exemple) et 3) un engagement par l’action ». La question que les auteures posent à réflexion est « de savoir si la notion d’Anthropocène vient simplement se surajouter (ou se substituer) à celles déjà présentes dans les programmes/curriculums institutionnels (comme celles de DD, de « transition écologique », d’« économie/croissance verte », etc.), ou bien si ce qu’elle désigne et la manière dont elle le problématise remet davantage en cause le système éducatif existant ». Le paradigme Anthropocène prend sa place dans le débat éducatif et l’action éducative… 9. Renaud Hétier L’enfance et ses limites : de la contenance à la créativité
169. Renaud Hétier aborde la question de « L’enfance et ses limites : de la contenance à la créativité ». Un article ouvrant sur une belle notion empruntée à Arnsperger et Bourg qu’est le « potentiel anthropologique d’illimitation ». Pour l’auteur : « L’anthropocène confronte l’humanité à la notion de limite à nouveaux frais. En effet, nous « découvrons » que notre environnement nous contient, et que ni ses ressources ni son espace ne sont infinis. C’est une épreuve, alors que l’humanité s’est construite sur un élan de dépassement toujours renouvelé. Tout le problème est de savoir si les limites à respecter pour maintenir l’habitabilité de la Terre doivent l’être de façon autoritaire, ou par l’éducation, et quant à celle-ci, si elle doit mobiliser la raison ou la sensibilité. Ceci est d’autant plus important que notre société tend à s’infantiliser, et à revendiquer une jouissance immédiate et illimitée. Dans ces conditions, il devient impérieux, en éducation, que l’enfant bénéficie d’un cadre suffisamment contenant, et avec suffisamment de présence, notamment dans un contexte de virtualisation/numérisation de notre rapport au monde, qui affecte particulièrement les enfants et les adolescents. Sur ce fond, on pourra enfin tracer les contours d’une sollicitation culturelle qui permette de mettre en jeu sa propension à l’illimitation pour mieux la contenir et la dépasser. L’auteur construit sa démonstration en étudiant trois œuvres de littérature de jeunesse dans « cette perspective du geste créatif (Elzbieta, 2000, Légaut, 1998, Ramos, 1997). La créativité en miroir des personnages et des auteurs sera analysée comme susceptible de sensibiliser les lecteurs et de comprendre autrement leur rapport au monde (Laugier, 2009, 2012). »
1710. Maxime Bordes. Penser l’éducation démocratique en Anthropocène
Maxime Bordes aborde le paradigme Anthropocène du point de vue des pédagogies nouvelles et amorce les notions de démocratie participative par le travail et la pensée de Dewey dans « Penser l’éducation démocratique en Anthropocène ». Pour lui, « les gouvernements des démocraties occidentales font depuis quelques années l’objet de vives critiques concernant leur manque d’engagement face aux enjeux environnementaux contemporains, certains voient dans cette inaction une limite propre au système représentatif favorisant la satisfaction de l’intérêt immédiat des représentés au détriment des questions de long terme. Pour pallier ces difficultés, l’intérêt du développement des démarches de participation citoyenne aux processus de décision afin de mobiliser les populations et légitimer ces choix est souligné. Dans cette perspective, comment penser une éducation démocratique offrant aux élèves les outils pour prendre en compte les problématiques environnementales et répondre aux défis de l’Anthropocène ? ».
1811. Tommy Terraz L’Anthropocène peut-il devenir l’ère de l’altruisme ? Proposition de défis à relever pour l’Éducation.
« L’Anthropocène peut-il devenir l’ère de l’altruisme ? Proposition de défis à relever pour l’Éducation » que Tommy Terraz axe dans la mutation anthropologique fabrique d’un individu « égo-grégaire » (Dufour, 2007, 2011). « Considérant les mutations anthropologiques à l’œuvre dans l’Anthropocène, ère définie par l’irréversibilité des actions humaines sur la nature, cet article examine en quoi ces mutations révèlent un trouble pour le moins inquiétant dans les relations que l’individu hypermoderne entretient avec l’altérité, et il tente de dessiner des directions pour l’éducation. L’individualisme des Lumières dévoyé en égoïsme, l’emprise prédatrice sur les êtres et les milieux vivants qu’autorise le déploiement de l’idéologie néolibérale, la crise de la transmission constituent autant d’obstacles à une prise en compte de l’autre susceptible de ralentir ou de déjouer la course des effondrements ; cependant, nous pensons qu’il est encore possible de proposer, en appui sur un modèle philosophique construit en sciences de l’éducation, une éthique de l’altruisme prenant en compte l’autrui universel, et en particulier le tiers, qu’il soit humain ou non humain. Quatre défis pour l’éducation, interreliés, déclineront cette éducation à et par l’altruisme : éduquer à l’interdépendance de tous les êtres, intégrer le tiers personnel et symbolique, redonner du sens à la transmission et au dialogue, et éduquer aux limites de soi-même, de l’autre et du monde ».
Un regard critique est porté sur les humains aux prises de/avec leurs pulsions, passions, actions en miroir (effet boomerang) dans le système d’économie marchande néolibéral, acteurs et sujets de leur propre destruction, victimes et bourreaux de la destruction de la nature afin qu’ils posent et se posent la question de leur propre éducation en Anthropocène. Pour l’auteur ils doivent « reconnaître qu’ils ne sont pas tout-puissants sur leur environnement, ni autoproduits ou autosuffisants. Il s’agirait de permettre à ces individus de s’émanciper comme personnes, d’aller au-delà de l’égoïsme et de l’égocentrisme, et cela passe par la reconnaissance de leur interdépendance au regard d’autrui et plus généralement de tous les êtres ». |
Note de contenu : |
Alix Garnier, Renaud Hétier, Marie-Louise Martinez et Nathanaël Wallenhorst
Éduquer en Anthropocène:un paradigme éducatif à construire pour le 21ème siècle [Texte intégral]
Nathanaël Wallenhorst
La datation de l’entrée dans l’Anthropocène [Texte intégral]
Synthèse d’un débat à destination des enseignants
David Porchon
L’auteur de la fin du monde : quelques aspects de la catastrophe anthropologique en Anthropocène [Texte intégral]
Cécile Redondo et Caroline Ladage
La pédagogie de l’enquête dans le contexte de l’Anthropocène [Texte intégral]
Virginie Boelen
L’Anthropocène et la crise environnementale :
du nécessaire changement de paradigme à son opérationnalisation [Texte intégral]
Vers une nouvelle approche d’éducation relative à l’environnement
Maxime Bordes
Penser l’éducation démocratique en Anthropocène [Texte intégral]
Tommy Terraz et Amandine Denimal
L’Anthropocène peut-il devenir l’ère de l’altruisme ? [Texte intégral]
Proposition de défis à relever pour l’Éducation
Renaud Hétier
L’enfance et ses limites : de la contenance à la créativité [Texte intégral]
Nicolas Hervé, Nathalie Panissal, François Schouver et Catherine Gueziec
Développer la pensée prospective ? [Texte intégral]
Quelques balises pour l’étude des futurs de la forêt en lycée agricole
Develop futures thinking? Some benchmarks for the study of forest’s futures in agricultural teaching.
Nadine Boudou
Les représentations post-apocalyptiques de l’Anthropocène
Imaginaires du désastre [Texte intégral]
Camille Roelens
Hayao Miyazaki, éducateur précoce en Anthropocène ? [Texte intégral]
Nathanaël Wadbled
Y a-t-il un patrimoine de l’anthropocène ? [Texte intégral]
Désapprendre ou apprendre à percevoir au-delà de la différence entre nature et culture
Deborah A. Bowman
Le refuge de montagne [Texte intégral]
Figure de résistance, espace d'immersion, hétérotopie dans les bois -n°2
The Mountain Refuge : Figure of Resistance, Space of Immersion, Heterotopia in the Woods - n°2
Tableau de synthèse des expertises [Texte intégral] |
En ligne : |
https://journals.openedition.org/rechercheseducations/11489 |
Permalink : |
https://cs.iut.univ-tours.fr/index.php?lvl=bulletin_display&id=61345 |
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