Titre : |
Les années Lang, une histoire des politiques culturelles : 1981-1993 ; Dictionnaire critique / SUDOC et ScholarVox (Cyberlibris) |
Type de document : |
document électronique |
Auteurs : |
France, Collectivité éditrice ; Laurent Martin (1968-..), Directeur de la recherche ; Vincent Martigny (1977-...) , Directeur de la recherche ; Emmanuel Wallon (1956-...) , Directeur de la recherche ; Laurent Besse (1967-...) , Auteur ; Maryvonne de Saint Pulgent (1951-...), Préfacier, etc. |
Editeur : |
Paris Cedex 07 : La Documentation française |
Année de publication : |
2021 |
Autre Editeur : |
Paris : Comité d'histoire du ministère de la culture et de la Communication |
Importance : |
597 p |
Présentation : |
ill. en noir et en coul., couv. ill. en coul. |
Format : |
24 cm |
ISBN/ISSN/EAN : |
978-2-11-157106-8 |
Prix : |
27 € |
Note générale : |
"Dix ans ministre de la Culture aux côtés de François Mitterrand, Jack Lang a égalé le record de longévité d'André Malraux à ce poste. Sa marque sur les politiques culturelles est telle qu'on peut parler de cette époque comme des "années Lang". Pour beaucoup, celles-ci font figure d'âge d'or de l'engagement des pouvoirs publics en faveur du patrimoine et de la création artistique. D'autres y voient au contraire le triomphe des dépenses somptuaires et du relativisme culturel, le symbole de la vanité d'un gouvernement par la culture. Mais qu'en est-il vraiment ? Fruit des recherches de cinquante-cinq spécialistes d'histoire culturelle, de sociologie et de science politique, cet ouvrage examine l'héritage de la période ouverte en mai 1981. A travers l'histoire d'une politique culturelle en effervescence, il trace le portrait d'une société française en pleine transformation." (4e de couverture) |
Mots-clés : |
Vie politique française et européenne Lang, Jack (1939-....)
Administration publique -- France -- 1970-....
Politique culturelle -- France -- 1970-.... |
Résumé : |
Parfois louangeurs parfois critiques, de tous les livres existant sur Jack Lang aucun ne propose une réflexion systématique sur les politiques culturellles mise en place à cette époque. Conçu sous la forme d'un dictionnaire avec ses 108 entrées alphabétiques réparties en trois parties. 60 éminents spécialistes ont participé à ce dictionnaire, cet ouvrage a l'ambition d'être la référence et d'offrir des clefs de compréhension de cette époque et de l'héritage considérable qu'elle nous a légué |
Note de contenu : |
Bibliogr. en fin d'entrées. Notes bibliogr. Index.- dont la notice "Éducation populaire / Laurent Besse, pp. 424-428 : Une grande partie de la littérature sur les rapports entre les administrations en charge des aaires culturelles et les associations œuvrant dans l’animation socioculturelle fait remonter leur schisme à1961, lorsque André Malraux renonça à des crédits destinés à ces dernières pour mieux armer l’ambition spécique de son ministère [Urfalino, 1996].Que cette notice s’intitule « Éducation populaire » plutôt que « Secteur socio-culturel » témoigne de la complète dévalorisation de cette notion depuis les années Lang, tant parmi les observateurs que parmi les acteurs de l’animation d’hier, rebaptisée éducation populaire depuis que cette dénomination fort ancienne a été remise au goût du jour. Le succès des « Conférences gesti-culées » de Franck Lepage, ancien responsable national de la Fédération française des maisons des jeunes et de la culture (FFMJC), qui, dans sa série de spectacles Inculture(s), fait des années Lang l’apogée de l’entreprise de négation de l’éducation populaire et de dépolitisation par la culture, indique assez l’ampleur du conit entre les deux mondes. Il faut, pour comprendre la virulence des attaques, se remémorer l’ironie volontiers méprisante envers les « socio-cul » qui a caractérisé le discours de maints acteurs culturels des années Lang. Ainsi du spectacle de Jérôme Deschamps et Macha Makeïe (créé au éâtre national populaire de Villeurbanne en1985), La Veillée, où il incarnait un animateur avec collier de barbe beuglant : « Place donc au théâtre, mais aussi place à la musique, au sport, à la poésie, au macramé, à la poterie, à la pyrogravure, au raphia », le tout sur fond d’euves de soupe au poireau, une cocotte-minute ayant été disposée en coulisses [FR3, 1985].En1981, l’incompréhension prévaut d’emblée entre la gauche victorieuse et les acteurs de l’éducation populaire qui lui étaient pourtant acquis. N’est-ce pas un des leurs, Pierre Mauroy, fondateur et dirigeant de la Fédération Léo-Lagrange, qui accède à Matignon ? C’était oublier que la logique de la VeRépublique fait de la politique culturelle un domaine d’inuence du pré-sident de la République, qui en l’espèce ne partage pas les mêmes références que son Premier ministre. Pour mener une politique de démocratisation culturelle et des loisirs, Pierre Mauroy impose malgré tout un ministère du Temps libre, coné à André Henry, secrétaire général de la Fédération de l’éducation nationale (FEN) depuis1974, lui-même anqué de deux ministres délégués, Edwige Avice (Jeunesse et Sports) et François Abadie (Tourisme).Le symbole renvoie à1936, une référence majeure de la gauche certes, mais une référence du passé, quand le vitalisme du ministre de la Culture ne cesse d’ouvrir de nouvelles portes sur un avenir indéni et qui paraît dilaté, à la mesure du budget qui lui est alloué. Malgré une hausse importante des moyens consacrés à la jeunesse et à l’éducation populaire, le « temps libre » ne suscite aucun enthousiasme parmi les associations et il est critiqué en interne par l’administration Jeunesse et Sports, pourtant chargée de mettre en œuvre une politique dont on parvient dicilement à dénir la consis-tance. L’expérience prend n dès1983, après la mise en place des chèques-vacances, tandis que le tournant de la rigueur s’accompagne des premières restrictions de crédits.Les années suivantes ne font que mettre à jour et renforcer les faiblesses du secteur, qui paraissent d’autant plus criantes que l’univers lié au ministère de la Culture connaît un essor spectaculaire. Plus que la valorisation du créateur, c’est celle du spécialiste et du professionnel qui lamine la légitimité des amateurs et des militants, renvoyés souvent avec mépris à leur incom-pétence, y compris pédagogique, ce qui est nouveau, puisque la gure du médiateur se construit largement contre celle de l’animateur. La profession-nalisation des métiers de la culture contribue également à la fuite de militants et salariés du socioculturel vers les institutions culturelles plus légitimes [Dubois, 2005]. L’opposition ancienne entre le ministère de la Culture, qui raisonne par disciplines, et Jeunesse et Sports, qui privilégie une logique de publics (les enfants, les ruraux,etc.), se radicalise comme l’illustre la transformation des conseillers techniques et pédagogiques (CTP), héritiers des instructeurs de l’après-guerre, en conseillers d’éducation populaire et de jeunesse en février1986. S’ils restent recrutés en fonction de spécialités (art dramatique, arts plastiques,etc.), ces fonctionnaires sont contraints à une polyvalence grandissante, quand ils ne sont pas transformés en gestionnaires de dispositifs d’insertion.Un espace en peau de chagrinL’extension du domaine des activités reconnues comme « culturelles » pendant les années Lang prive les associations de jeunesse et d’éducation populaire du rôle de légitimation de nouvelles activités ou disciplines qui avait pu être le leur. Ainsi la préhistoire du Festival de la bande dessinée d’Angoulême avait eu pour cadre les MJC de la ville en1969, tandis que le renouveau de la chanson française des années 1965-1975 s’était appuyé en province sur le « circuit parallèle » formé par les équipements socioculturels et leurs salles polyvalentes, tant décriées par la suite. Si les MJC des années 1980-1990 abritent les débuts de quelques groupes de rap, elles doivent compter désormais avec des structures spécialisées, plus légitimes. Le secteur des arts de la rue, dont les frontières avec les milieux de l’animation socioculturelle étaient poreuses dans la décennie 1970, arme désormais sa pleine spéci-cité. De manière moins visible, l’institutionnalisation d’actions culturelles sectorielles a privé les associations de pans d’activités, y compris parmi les plus liées à l’univers scolaire, périmètre historique de l’éducation populaire. Les militants vivent très mal que la dévolution des bibliothèques centrales de prêt aux départements en1983 s’accompagne de la n des bibliobus de la Ligue de l’enseignement, qui s’inscrivaient dans plus d’un siècle d’actions en faveur du livre. De même, la mise en place par le Centre national de la cinématographie (CNC) à partir de1989 des dispositifs « Collège au cinéma » (suivi de « École et cinéma » en1994 et de « Lycéens au cinéma » en1998) donne le coup de grâce aux ciné-clubs scolaires qui avaient constitué un mode important de démocratisation de la cinéphilie [Martin, 2016]. D’une façon générale, la mise en place d’une éducation artistique dans l’école s’est faite en excluant Jeunesse et Sports, dès le protocole fondateur de1983, pour ne lui accorder qu’un strapontin dix ans plus tard. Plus grave encore, les associations d’éducation populaire sont mises en cause dans ce qui consti-tuait jusqu’alors leur pré carré, l’action culturelle en direction de l’enfance et de la jeunesse. Le rapport commandé par le ministère de la Culture à Jean Hurstel est d’autant plus mal perçu qu’il émanait d’un homme qui avait pratiqué l’animation culturelle en milieu populaire [Hurstel, 1984]. Sans doute ses préconisations sont-elles oues, mais le constat établi est d’autant plus douloureux qu’il renvoie à un ressenti partagé : les jeunes fuiraient une action prisonnière d’équipements, une esthétique ruralisante et nostalgique.L’alternance de1986 s’accompagne d’un plan de suppression des MAD –ces enseignants mis à disposition des associations d’éducation populaire, comme l’avait longtemps été Pierre Mauroy–, projet abandonné sous les pressions, mais au prix de la perte de plusieurs centaines de postes et de conditions nouvelles qui fragilisent durablement les liens entre les milieux d’éducation populaire et l’école. Le même gouvernement Chirac supprime en1987 l’Institut national de l’éducation populaire (INEP). Après un dicile combat, il renaît très amoindri en1987, sous la forme de l’Institut national de la jeunesse, avec pour objet les questions de jeunesse sous leurs aspects sociaux. Le retour de la gauche aux aaires le transforme en INJEP (EP pour éducation populaire) en juillet1990, mais sans redonner une véritable importance à cette dimension éducative et culturelle [Richez, 2009], malgré une série de conventions signées entre l’État et les principaux mouvements.Le tableau qui se dégage à l’issue du second septennat de François Mitterrand est sombre pour ces derniers, d’autant qu’il faut y ajouter les dicultés institutionnelles et surtout économiques du secteur qui, pour compenser le déclin du militantisme, a accru son degré de professionnalisation mais dépend toujours davantage de nancements sur projets, plus aléatoires que le nancement récurrent. Au tournant des années1990, des fédérations d’éducation populaire connaissent de graves dicultés économiques aux-quelles elles font face en vendant leur patrimoine immobilier. Quelques-unes témoignent d’une meilleure santé, peut-être également d’une plus grande capacité d’innovation. L’animation dans le domaine de l’environnement ou des activités scientiques et techniques connaît un véritable essor : le réseau des Petits Débrouillards, formé en1986, s’ébroue autour de la nouvelle Cité des sciences et de l’industrie. On peut citer également le cas de l’éduca-tion populaire des adultes. Le Bicentenaire de la Révolution amène à une redécouverte de Condorcet et à la fondation des cercles homonymes par la Ligue de l’enseignement, occasion de revigorer une réexion sur l’éducation permanente qui soure d’être réduite à la seule dimension professionnelle. Les associations Peuple et culture –qui a pourtant perdu de son aura–, Culture et Liberté mènent des expériences dans le domaine de la lecture, des actions dans le monde rural, soutenues ponctuellement par les DRAC, tout comme l’Union Poitou-Charentes pour la culture populaire (UPCP), qui se voue à la valorisation d’un patrimoine populaire, ici paysan. Émergent aussi des initiatives de valorisation des cultures dites immigrées, mais elles sont fragiles, et leurs liens avec les associations historiques du secteur sont limités.Dès1986, Jacques Ion pronostiquait l’écartèlement du socioculturel entre une orientation sociale croissante –l’accompagnement des publics préca-risés– et une orientation culturelle en déclin [Cahiers de l’animation, 1986, no54]. Trois décennies plus tard, les faits lui ont donné globalement raison, beaucoup d’animateurs se considérant désormais comme des travailleurs sociaux et leurs incursions dans l’univers culturel institutionnalisé se faisant avec la plus extrême prudence. Dans ces mêmes Cahiers de l’animation, qui furent jusqu’à leur suppression en même temps que l’INEP le principal lieu de débats sur l’éducation populaire, Christian Maurel, alors directeur de MJC, plaidait pour l’avènement d’un « social-culturel », ébauche d’une longue recherche personnelle et collective autour de la notion de « travail de la culture », qui constituait une des premières tentatives de renouveau de l’éducation populaire. Il prenait acte des impasses de l’animation et de la nécessité d’aronter sérieusement les questions esthétiques, condition pour ne pas abandonner la promesse d’émancipation par la culture, un des piliers de la gauche, parfois malmené en ces années1980."
BIBLIOGRAPHIE >Philippe Urfalino, L’Invention de la politique culturelle, Paris, LaDocumentation française/Comité d’histoire du ministère de la Culture, 1996, rééd. Hachette, coll. « Pluriel », 2011. > Franck Lepage, Inculture(s) 1. « L’éducation populaire, Monsieur, ils n’en ont pas voulu… » : http://www.ardeur.net/conferences-gesticulees/conference-gesticulee-franck-lepage-inculture-1/ >Jean-Claude Richez, « L’INJEP et l’éducation populaire, dans toutes leurs histoires », Vie sociale, vol.4, no4, 2009, p.19-45. > Vincent Dubois, « Du militantisme à la gestion culturelle : l’institutionnalisation de l’action culturelle dans une ville de banlieue (Bron, 1970-1990) », in Christophe Gaubert, Marie-Hélène Lechien et Sylvie Tissot, Reconversions militantes, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2006, p.139-162. >FR3, reportage « La veillée au Théâtre des Amandiers », 10octobre1985, https://fresques.ina.fr/en-scenes/fiche-media/Scenes00815/la-veillee-de-jerome-deschamps.html > Jean Hurstel, Jeunes au bistrot, cultures sur macadam, Paris, Syros, 1984. > Jean-Paul Martin (avec Frédéric Chateigner et Joël Roman), La Ligue de l’enseignement : une histoire politique : 1866-2016, Rennes, PUR, 2016. > Les Cahiers de l’animation, 57numéros de1972 à1987. |
En ligne : |
http://proxy.scd.univ-tours.fr/login?url=https://univ.scholarvox.com/book/889151 [...] |
Permalink : |
https://cs.iut.univ-tours.fr/index.php?lvl=notice_display&id=264468 |
Les années Lang, une histoire des politiques culturelles : 1981-1993 ; Dictionnaire critique / SUDOC et ScholarVox (Cyberlibris) [document électronique] / France, Collectivité éditrice ; Laurent Martin (1968-..), Directeur de la recherche ; Vincent Martigny (1977-...)  , Directeur de la recherche ; Emmanuel Wallon (1956-...)  , Directeur de la recherche ; Laurent Besse (1967-...)  , Auteur ; Maryvonne de Saint Pulgent (1951-...), Préfacier, etc. . - Paris Cedex 07 : La Documentation française : Paris : Comité d'histoire du ministère de la culture et de la Communication, 2021 . - 597 p : ill. en noir et en coul., couv. ill. en coul. ; 24 cm. ISBN : 978-2-11-157106-8 : 27 € "Dix ans ministre de la Culture aux côtés de François Mitterrand, Jack Lang a égalé le record de longévité d'André Malraux à ce poste. Sa marque sur les politiques culturelles est telle qu'on peut parler de cette époque comme des "années Lang". Pour beaucoup, celles-ci font figure d'âge d'or de l'engagement des pouvoirs publics en faveur du patrimoine et de la création artistique. D'autres y voient au contraire le triomphe des dépenses somptuaires et du relativisme culturel, le symbole de la vanité d'un gouvernement par la culture. Mais qu'en est-il vraiment ? Fruit des recherches de cinquante-cinq spécialistes d'histoire culturelle, de sociologie et de science politique, cet ouvrage examine l'héritage de la période ouverte en mai 1981. A travers l'histoire d'une politique culturelle en effervescence, il trace le portrait d'une société française en pleine transformation." (4e de couverture)
Mots-clés : |
Vie politique française et européenne Lang, Jack (1939-....)
Administration publique -- France -- 1970-....
Politique culturelle -- France -- 1970-.... |
Résumé : |
Parfois louangeurs parfois critiques, de tous les livres existant sur Jack Lang aucun ne propose une réflexion systématique sur les politiques culturellles mise en place à cette époque. Conçu sous la forme d'un dictionnaire avec ses 108 entrées alphabétiques réparties en trois parties. 60 éminents spécialistes ont participé à ce dictionnaire, cet ouvrage a l'ambition d'être la référence et d'offrir des clefs de compréhension de cette époque et de l'héritage considérable qu'elle nous a légué |
Note de contenu : |
Bibliogr. en fin d'entrées. Notes bibliogr. Index.- dont la notice "Éducation populaire / Laurent Besse, pp. 424-428 : Une grande partie de la littérature sur les rapports entre les administrations en charge des aaires culturelles et les associations œuvrant dans l’animation socioculturelle fait remonter leur schisme à1961, lorsque André Malraux renonça à des crédits destinés à ces dernières pour mieux armer l’ambition spécique de son ministère [Urfalino, 1996].Que cette notice s’intitule « Éducation populaire » plutôt que « Secteur socio-culturel » témoigne de la complète dévalorisation de cette notion depuis les années Lang, tant parmi les observateurs que parmi les acteurs de l’animation d’hier, rebaptisée éducation populaire depuis que cette dénomination fort ancienne a été remise au goût du jour. Le succès des « Conférences gesti-culées » de Franck Lepage, ancien responsable national de la Fédération française des maisons des jeunes et de la culture (FFMJC), qui, dans sa série de spectacles Inculture(s), fait des années Lang l’apogée de l’entreprise de négation de l’éducation populaire et de dépolitisation par la culture, indique assez l’ampleur du conit entre les deux mondes. Il faut, pour comprendre la virulence des attaques, se remémorer l’ironie volontiers méprisante envers les « socio-cul » qui a caractérisé le discours de maints acteurs culturels des années Lang. Ainsi du spectacle de Jérôme Deschamps et Macha Makeïe (créé au éâtre national populaire de Villeurbanne en1985), La Veillée, où il incarnait un animateur avec collier de barbe beuglant : « Place donc au théâtre, mais aussi place à la musique, au sport, à la poésie, au macramé, à la poterie, à la pyrogravure, au raphia », le tout sur fond d’euves de soupe au poireau, une cocotte-minute ayant été disposée en coulisses [FR3, 1985].En1981, l’incompréhension prévaut d’emblée entre la gauche victorieuse et les acteurs de l’éducation populaire qui lui étaient pourtant acquis. N’est-ce pas un des leurs, Pierre Mauroy, fondateur et dirigeant de la Fédération Léo-Lagrange, qui accède à Matignon ? C’était oublier que la logique de la VeRépublique fait de la politique culturelle un domaine d’inuence du pré-sident de la République, qui en l’espèce ne partage pas les mêmes références que son Premier ministre. Pour mener une politique de démocratisation culturelle et des loisirs, Pierre Mauroy impose malgré tout un ministère du Temps libre, coné à André Henry, secrétaire général de la Fédération de l’éducation nationale (FEN) depuis1974, lui-même anqué de deux ministres délégués, Edwige Avice (Jeunesse et Sports) et François Abadie (Tourisme).Le symbole renvoie à1936, une référence majeure de la gauche certes, mais une référence du passé, quand le vitalisme du ministre de la Culture ne cesse d’ouvrir de nouvelles portes sur un avenir indéni et qui paraît dilaté, à la mesure du budget qui lui est alloué. Malgré une hausse importante des moyens consacrés à la jeunesse et à l’éducation populaire, le « temps libre » ne suscite aucun enthousiasme parmi les associations et il est critiqué en interne par l’administration Jeunesse et Sports, pourtant chargée de mettre en œuvre une politique dont on parvient dicilement à dénir la consis-tance. L’expérience prend n dès1983, après la mise en place des chèques-vacances, tandis que le tournant de la rigueur s’accompagne des premières restrictions de crédits.Les années suivantes ne font que mettre à jour et renforcer les faiblesses du secteur, qui paraissent d’autant plus criantes que l’univers lié au ministère de la Culture connaît un essor spectaculaire. Plus que la valorisation du créateur, c’est celle du spécialiste et du professionnel qui lamine la légitimité des amateurs et des militants, renvoyés souvent avec mépris à leur incom-pétence, y compris pédagogique, ce qui est nouveau, puisque la gure du médiateur se construit largement contre celle de l’animateur. La profession-nalisation des métiers de la culture contribue également à la fuite de militants et salariés du socioculturel vers les institutions culturelles plus légitimes [Dubois, 2005]. L’opposition ancienne entre le ministère de la Culture, qui raisonne par disciplines, et Jeunesse et Sports, qui privilégie une logique de publics (les enfants, les ruraux,etc.), se radicalise comme l’illustre la transformation des conseillers techniques et pédagogiques (CTP), héritiers des instructeurs de l’après-guerre, en conseillers d’éducation populaire et de jeunesse en février1986. S’ils restent recrutés en fonction de spécialités (art dramatique, arts plastiques,etc.), ces fonctionnaires sont contraints à une polyvalence grandissante, quand ils ne sont pas transformés en gestionnaires de dispositifs d’insertion.Un espace en peau de chagrinL’extension du domaine des activités reconnues comme « culturelles » pendant les années Lang prive les associations de jeunesse et d’éducation populaire du rôle de légitimation de nouvelles activités ou disciplines qui avait pu être le leur. Ainsi la préhistoire du Festival de la bande dessinée d’Angoulême avait eu pour cadre les MJC de la ville en1969, tandis que le renouveau de la chanson française des années 1965-1975 s’était appuyé en province sur le « circuit parallèle » formé par les équipements socioculturels et leurs salles polyvalentes, tant décriées par la suite. Si les MJC des années 1980-1990 abritent les débuts de quelques groupes de rap, elles doivent compter désormais avec des structures spécialisées, plus légitimes. Le secteur des arts de la rue, dont les frontières avec les milieux de l’animation socioculturelle étaient poreuses dans la décennie 1970, arme désormais sa pleine spéci-cité. De manière moins visible, l’institutionnalisation d’actions culturelles sectorielles a privé les associations de pans d’activités, y compris parmi les plus liées à l’univers scolaire, périmètre historique de l’éducation populaire. Les militants vivent très mal que la dévolution des bibliothèques centrales de prêt aux départements en1983 s’accompagne de la n des bibliobus de la Ligue de l’enseignement, qui s’inscrivaient dans plus d’un siècle d’actions en faveur du livre. De même, la mise en place par le Centre national de la cinématographie (CNC) à partir de1989 des dispositifs « Collège au cinéma » (suivi de « École et cinéma » en1994 et de « Lycéens au cinéma » en1998) donne le coup de grâce aux ciné-clubs scolaires qui avaient constitué un mode important de démocratisation de la cinéphilie [Martin, 2016]. D’une façon générale, la mise en place d’une éducation artistique dans l’école s’est faite en excluant Jeunesse et Sports, dès le protocole fondateur de1983, pour ne lui accorder qu’un strapontin dix ans plus tard. Plus grave encore, les associations d’éducation populaire sont mises en cause dans ce qui consti-tuait jusqu’alors leur pré carré, l’action culturelle en direction de l’enfance et de la jeunesse. Le rapport commandé par le ministère de la Culture à Jean Hurstel est d’autant plus mal perçu qu’il émanait d’un homme qui avait pratiqué l’animation culturelle en milieu populaire [Hurstel, 1984]. Sans doute ses préconisations sont-elles oues, mais le constat établi est d’autant plus douloureux qu’il renvoie à un ressenti partagé : les jeunes fuiraient une action prisonnière d’équipements, une esthétique ruralisante et nostalgique.L’alternance de1986 s’accompagne d’un plan de suppression des MAD –ces enseignants mis à disposition des associations d’éducation populaire, comme l’avait longtemps été Pierre Mauroy–, projet abandonné sous les pressions, mais au prix de la perte de plusieurs centaines de postes et de conditions nouvelles qui fragilisent durablement les liens entre les milieux d’éducation populaire et l’école. Le même gouvernement Chirac supprime en1987 l’Institut national de l’éducation populaire (INEP). Après un dicile combat, il renaît très amoindri en1987, sous la forme de l’Institut national de la jeunesse, avec pour objet les questions de jeunesse sous leurs aspects sociaux. Le retour de la gauche aux aaires le transforme en INJEP (EP pour éducation populaire) en juillet1990, mais sans redonner une véritable importance à cette dimension éducative et culturelle [Richez, 2009], malgré une série de conventions signées entre l’État et les principaux mouvements.Le tableau qui se dégage à l’issue du second septennat de François Mitterrand est sombre pour ces derniers, d’autant qu’il faut y ajouter les dicultés institutionnelles et surtout économiques du secteur qui, pour compenser le déclin du militantisme, a accru son degré de professionnalisation mais dépend toujours davantage de nancements sur projets, plus aléatoires que le nancement récurrent. Au tournant des années1990, des fédérations d’éducation populaire connaissent de graves dicultés économiques aux-quelles elles font face en vendant leur patrimoine immobilier. Quelques-unes témoignent d’une meilleure santé, peut-être également d’une plus grande capacité d’innovation. L’animation dans le domaine de l’environnement ou des activités scientiques et techniques connaît un véritable essor : le réseau des Petits Débrouillards, formé en1986, s’ébroue autour de la nouvelle Cité des sciences et de l’industrie. On peut citer également le cas de l’éduca-tion populaire des adultes. Le Bicentenaire de la Révolution amène à une redécouverte de Condorcet et à la fondation des cercles homonymes par la Ligue de l’enseignement, occasion de revigorer une réexion sur l’éducation permanente qui soure d’être réduite à la seule dimension professionnelle. Les associations Peuple et culture –qui a pourtant perdu de son aura–, Culture et Liberté mènent des expériences dans le domaine de la lecture, des actions dans le monde rural, soutenues ponctuellement par les DRAC, tout comme l’Union Poitou-Charentes pour la culture populaire (UPCP), qui se voue à la valorisation d’un patrimoine populaire, ici paysan. Émergent aussi des initiatives de valorisation des cultures dites immigrées, mais elles sont fragiles, et leurs liens avec les associations historiques du secteur sont limités.Dès1986, Jacques Ion pronostiquait l’écartèlement du socioculturel entre une orientation sociale croissante –l’accompagnement des publics préca-risés– et une orientation culturelle en déclin [Cahiers de l’animation, 1986, no54]. Trois décennies plus tard, les faits lui ont donné globalement raison, beaucoup d’animateurs se considérant désormais comme des travailleurs sociaux et leurs incursions dans l’univers culturel institutionnalisé se faisant avec la plus extrême prudence. Dans ces mêmes Cahiers de l’animation, qui furent jusqu’à leur suppression en même temps que l’INEP le principal lieu de débats sur l’éducation populaire, Christian Maurel, alors directeur de MJC, plaidait pour l’avènement d’un « social-culturel », ébauche d’une longue recherche personnelle et collective autour de la notion de « travail de la culture », qui constituait une des premières tentatives de renouveau de l’éducation populaire. Il prenait acte des impasses de l’animation et de la nécessité d’aronter sérieusement les questions esthétiques, condition pour ne pas abandonner la promesse d’émancipation par la culture, un des piliers de la gauche, parfois malmené en ces années1980."
BIBLIOGRAPHIE >Philippe Urfalino, L’Invention de la politique culturelle, Paris, LaDocumentation française/Comité d’histoire du ministère de la Culture, 1996, rééd. Hachette, coll. « Pluriel », 2011. > Franck Lepage, Inculture(s) 1. « L’éducation populaire, Monsieur, ils n’en ont pas voulu… » : http://www.ardeur.net/conferences-gesticulees/conference-gesticulee-franck-lepage-inculture-1/ >Jean-Claude Richez, « L’INJEP et l’éducation populaire, dans toutes leurs histoires », Vie sociale, vol.4, no4, 2009, p.19-45. > Vincent Dubois, « Du militantisme à la gestion culturelle : l’institutionnalisation de l’action culturelle dans une ville de banlieue (Bron, 1970-1990) », in Christophe Gaubert, Marie-Hélène Lechien et Sylvie Tissot, Reconversions militantes, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2006, p.139-162. >FR3, reportage « La veillée au Théâtre des Amandiers », 10octobre1985, https://fresques.ina.fr/en-scenes/fiche-media/Scenes00815/la-veillee-de-jerome-deschamps.html > Jean Hurstel, Jeunes au bistrot, cultures sur macadam, Paris, Syros, 1984. > Jean-Paul Martin (avec Frédéric Chateigner et Joël Roman), La Ligue de l’enseignement : une histoire politique : 1866-2016, Rennes, PUR, 2016. > Les Cahiers de l’animation, 57numéros de1972 à1987. |
En ligne : |
http://proxy.scd.univ-tours.fr/login?url=https://univ.scholarvox.com/book/889151 [...] |
Permalink : |
https://cs.iut.univ-tours.fr/index.php?lvl=notice_display&id=264468 |
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