[article]
Titre : |
Le droit, les animaux et nous : entretien avec Florence Burgat |
Type de document : |
document électronique |
Auteurs : |
Florence Burgat, Personne interviewée ; Adèle Ponticelli, Intervieweur |
Année de publication : |
2015 |
Article en page(s) : |
pp. 164-17 |
Langues : |
Français (fre) |
Résumé : |
Florence Burgat est philosophe et travaille sur la condition animale dans nos sociétés industrielles. Dans cet entretien il est question du vécu de l’animal, de sa souffrance et de ses joies. Cette expérience sensible peine à avoir une transcription dans le droit français. Une loi est en discussion, elle pourrait modifier le statut des animaux, a minima. État des lieux et des enjeux. Un texte de loi est en discussion au Sénat, il pourrait redéfinir le statut juridique des animaux. Quelle est la teneur de cette loi et, de façon générale, quel est le statut des animaux dans la loi aujourd’hui ? Il est question d’ajouter un article au code civil destiné à énoncer que les animaux sont des êtres « vivants et sensibles » ; mais il est immédiatement précisé que ceux-ci restent cependant soumis au régime des biens. Ce texte doit être entériné par une troisième lecture au mois de janvier. Le droit français continue de s’inscrire dans ce que les juristes appellent la summa divisio, la division directrice ou majeure, littéralement « la plus haute », entre deux grandes catégories : les personnes d’un côté et les biens de l’autre. Historiquement le contenu de ces catégories a fluctué puisque dans le droit romain les esclaves étaient, à un moment donné, placés dans la catégorie des biens et non des personnes [1] J’ai développé ce point dans mon article « Être le...]. Ces catégories sont faites pour être remaniées ! Car il s’agit, pour faire œuvre de justice, de placer les individus dans la catégorie qui ne leur fait pas violence. Or, placer les animaux dans la catégorie des biens, des choses disponibles pour tous les usages désirés par l’humain, c’est imposer la violence comme norme. Le traitement ordinaire des animaux est un traitement violent. Ils sont la plupart du temps des biens consomptibles, c’est-à-dire dont l’usage implique la destruction. Les animaux — nous parlons ici principalement des mammifères et des oiseaux — sont, comme le dit le philosophe américain Tom Regan, « sujets de leur vie » : ils ont une présence psychologique unifiée, ils n’ont qu’une seule chance de vivre et la manière dont cette vie se déroule leur importe. Ils vivent en première personne : ils sont sujets de cette vie qui est la leur de façon intime. Ils ne déposent pas leur vie ailleurs, dans des œuvres, dans un projet ; c’est en ce sens que l’on dit qu’ils n’ont que leur vie. À l’heure actuelle, les animaux sont donc toujours rangés dans la catégorie des biens, ce qui veut dire juridiquement que ce sont des choses dont on peut disposer de la manière la plus absolue, jusqu’à les mettre à mort y compris. L’usus, le fructus et l’abusus dessinent l’étendue de la jouissance du propriétaire sur son bien, soit respectivement, le droit de l’utiliser, d’en percevoir les fruits et les produits, d’en disposer comme bon lui semble. Fruits et produits sont ici : le croît de l’animal (ses petits), son lait, ses œufs, sa laine, sa peau, ses cornes, ses sabots. C’est une définition purement extrinsèque, uniquement mue par le souci économique des bénéfices que l’on peut tirer des animaux. |
En ligne : |
http://www.cairn.info/revue-vacarme-2015-1-page-164.htm |
Permalink : |
https://cs.iut.univ-tours.fr/index.php?lvl=notice_display&id=169558 |
in Vacarme : entre art et politique, entre savants et militants / BM de Tours et Cairn.info > 70 (23 janvier 2015) . - pp. 164-17
[article] Le droit, les animaux et nous : entretien avec Florence Burgat [document électronique] / Florence Burgat, Personne interviewée ; Adèle Ponticelli, Intervieweur . - 2015 . - pp. 164-17. Langues : Français ( fre) in Vacarme : entre art et politique, entre savants et militants / BM de Tours et Cairn.info > 70 (23 janvier 2015) . - pp. 164-17
Résumé : |
Florence Burgat est philosophe et travaille sur la condition animale dans nos sociétés industrielles. Dans cet entretien il est question du vécu de l’animal, de sa souffrance et de ses joies. Cette expérience sensible peine à avoir une transcription dans le droit français. Une loi est en discussion, elle pourrait modifier le statut des animaux, a minima. État des lieux et des enjeux. Un texte de loi est en discussion au Sénat, il pourrait redéfinir le statut juridique des animaux. Quelle est la teneur de cette loi et, de façon générale, quel est le statut des animaux dans la loi aujourd’hui ? Il est question d’ajouter un article au code civil destiné à énoncer que les animaux sont des êtres « vivants et sensibles » ; mais il est immédiatement précisé que ceux-ci restent cependant soumis au régime des biens. Ce texte doit être entériné par une troisième lecture au mois de janvier. Le droit français continue de s’inscrire dans ce que les juristes appellent la summa divisio, la division directrice ou majeure, littéralement « la plus haute », entre deux grandes catégories : les personnes d’un côté et les biens de l’autre. Historiquement le contenu de ces catégories a fluctué puisque dans le droit romain les esclaves étaient, à un moment donné, placés dans la catégorie des biens et non des personnes [1] J’ai développé ce point dans mon article « Être le...]. Ces catégories sont faites pour être remaniées ! Car il s’agit, pour faire œuvre de justice, de placer les individus dans la catégorie qui ne leur fait pas violence. Or, placer les animaux dans la catégorie des biens, des choses disponibles pour tous les usages désirés par l’humain, c’est imposer la violence comme norme. Le traitement ordinaire des animaux est un traitement violent. Ils sont la plupart du temps des biens consomptibles, c’est-à-dire dont l’usage implique la destruction. Les animaux — nous parlons ici principalement des mammifères et des oiseaux — sont, comme le dit le philosophe américain Tom Regan, « sujets de leur vie » : ils ont une présence psychologique unifiée, ils n’ont qu’une seule chance de vivre et la manière dont cette vie se déroule leur importe. Ils vivent en première personne : ils sont sujets de cette vie qui est la leur de façon intime. Ils ne déposent pas leur vie ailleurs, dans des œuvres, dans un projet ; c’est en ce sens que l’on dit qu’ils n’ont que leur vie. À l’heure actuelle, les animaux sont donc toujours rangés dans la catégorie des biens, ce qui veut dire juridiquement que ce sont des choses dont on peut disposer de la manière la plus absolue, jusqu’à les mettre à mort y compris. L’usus, le fructus et l’abusus dessinent l’étendue de la jouissance du propriétaire sur son bien, soit respectivement, le droit de l’utiliser, d’en percevoir les fruits et les produits, d’en disposer comme bon lui semble. Fruits et produits sont ici : le croît de l’animal (ses petits), son lait, ses œufs, sa laine, sa peau, ses cornes, ses sabots. C’est une définition purement extrinsèque, uniquement mue par le souci économique des bénéfices que l’on peut tirer des animaux. |
En ligne : |
http://www.cairn.info/revue-vacarme-2015-1-page-164.htm |
Permalink : |
https://cs.iut.univ-tours.fr/index.php?lvl=notice_display&id=169558 |
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