Titre : |
L'école qui classe : 530 élèves du primaire au bac / BU de Lettres |
Type de document : |
document électronique |
Auteurs : |
Joanie Cayouette-Remblière (1984-...), Auteur |
Mention d'édition : |
Texte remanié de : Thèse de doctorat : Sociologie : Paris, EHESS : 2013 |
Editeur : |
Paris : PUF, Presses universitaires de France - Humensis |
Année de publication : |
2016 |
Collection : |
Le Lien social (Paris. 1997), ISSN 1285-3097 |
Importance : |
1 vol. (XII-296 p.) |
Présentation : |
ill., graph., couv. ill. en coul. |
Format : |
22 cm |
ISBN/ISSN/EAN : |
978-2-13-073636-3 |
Prix : |
28 EUR |
Note générale : |
Autre tirage : 2017. - Bibliogr. p. [275]-281. Notes bibliogr. |
Langues : |
Français (fre) |
Mots-clés : |
Classes populaires -- Éducation
Démocratisation de l'enseignement -- France -- 1990-....
Discrimination en éducation -- France -- 1990-....
Inégalité sociale -- France -- 1990-....
Écoles publiques -- France
Échec scolaire -- France -- 1990-....
Enseignement -- Efficacité -- France -- 1990-.... |
Résumé : |
Issu d’une thèse, cet ouvrage s’appuie sur la reconstitution, à partir de l’étude de leurs dossiers scolaires, des trajectoires, de la fin du primaire jusqu’au baccalauréat, de deux cohortes d’élèves entrés en 2001 et 2002 dans deux collèges ordinaires de banlieue parisienne. À l’étude quantitative et qualitative des 530 dossiers scolaires s’ajoutent les informations recueillies à partir de 26 entretiens avec des enseignants, 22 avec des élèves de la base « Cohortes » et une dizaine avec des acteurs et témoins institutionnels de l’époque concernée.
Le croisement des éclairages et l’articulation constante entre données quantitatives et qualitatives est l’un des points forts de l’ouvrage tant du côté des résultats obtenus que du côté de la lecture du livre : l’austérité des résultats – commentaires de tableaux, interprétation des statistiques – est sans cesse ponctuée de paroles d’élèves ou d’enseignants qui donnent vie, consistance et relief aux hypothèses avancées par l’auteure. Ces paroles d’élèves « marqués » et « classés » par l’école ouvrent et concluent l’ouvrage : Leila en introduction, Jennifer et Salim en conclusion. Le verdict final est redoutable : « L’école a marqué ces individus à la fois en les rendant responsables de leur situation et en entretenant chez eux les rêves de promotion sociale qui leur sont in fine inaccessibles dans un contexte économique marqué par une crise structurelle. Elle a participé à des désillusions mais a en même temps entrepris d’en renvoyer la responsabilité aux individus qu’elle a constitués comme tels. »
La recherche menée vise à rendre compte à la fois de l’empreinte acculturatrice de l’école (qui marque) et de son rôle de classement (qui démarque). Pour sociologiser ce que fait l’expansion scolaire aux individus l’auteur reprend à Guy Vincent le concept de forme scolaire (la manière spécifique dont sont transmises, dans le cadre scolaire, les connaissances légitimes) et le croise avec celui de « scolarisation totale » lié à la généralisation des parcours scolaires longs pour tous issus des deux explosions scolaires (collège unique et accès de 80 % d’une classe d’âge au Bac).
C’est dans ce contexte que l’école marque les enfants des classes populaires : elle dévalorise les emplois manuels et la condition ouvrière, inculque de nouvelles hiérarchies, fait miroiter des destinées sociales peu accessibles, les met en concurrence et les rend responsables de leur destin voire de leurs échecs.
La richesse des informations recueillies dans les dossiers scolaires conduit l’auteure à entrer dans une typologie fine des configurations de positions sociales pour ne pas les réduire à la catégorie trop vaste de « classes populaires » : c’est l’objet du chapitre 1. Le chapitre 2 présente les deux collèges étudiés et interroge sur le type de personnalité sociale promue par l’institution. Le chapitre 3 se penche sur les ruptures sociales et scolaires produites par le passage du primaire au collège. C’est le creusement des écarts en collège qu’étudie le chapitre 4 et le suivant cherche à « expliquer les inégalités de progression ». Le chapitre 6 s’intéresse à l’orientation de fin de 3e : choisie ou induite ? Les deux derniers étudient en parallèle les parcours des élèves de classes populaires en lycée général et technologique (7) ou en lycée professionnel (8).
De cette démonstration rigoureuse et implacable on retiendra que dans un contexte de « scolarisation totale » les classes populaires se sont approprié l’enjeu d’une scolarisation longue, mais pas les règles du jeu, ce qui en fait des « exclus de l’intérieur » d’une institution qui fonctionne en sanctionnant leurs dispositions non scolaires. L’enquête réalisée, si elle confirme que l’école ne parvient pas à réduire les inégalités, va encore plus loin en montrant que le système participe lui-même à leur renforcement : elles s’accroissent tout au long de la scolarité. De plus, l’école, parce qu’elle parvient à transmettre l’idéologie méritocratique, rend responsables de leur échec ceux qui n’y réussissent pas tout en entretenant leurs espoirs d’ascension sociale et en inculquant un mépris des emplois d’exécution qu’ils occuperont sans doute.
Le chapitre 5 mérite une attention toute particulière. En s’attachant à expliquer les inégalités de progression, Joanie Cayouette-Remblière en dégage trois faisceaux explicatifs. Le premier porte sur la tension entre les dispositions valorisées par la forme scolaire et les dispositions sociales des élèves, le second sur les effets de la composition des classes et le troisième sur les inégales rentabilités des mobilisations scolaires.
Si ce que l’école transmet passe par le biais de ses agents, comme nous le rappelle l’auteure, comment débusquer les pratiques inefficaces voire contre-productives ? Parmi les exemples cités : la fausse bonne idée de donner un travail suffisamment de temps à l’avance pour les élèves de classes populaires marqués par une logique de l’action à court terme, dans l’instant. Ou encore la difficulté – pour l’élève qui apprend par « voir faire et ouï dire » – de s’en tenir à la lecture et relecture des consignes avant de se lancer dans un exercice et son besoin que l’enseignant les lui redise oralement. Les hypothèses avancées – à partir de l’examen des dossiers scolaires – pourraient sans doute être croisées avec d’autres résultats de recherche issus de l’observation directe des pratiques enseignantes (ambiance de classe, qualité de la relation pédagogique et des dispositifs) ? Ce qui n’enlève rien à la rigueur et à la pertinence de l’analyse ici menée sur cette question essentielle du renforcement des inégalités, avec le souci constant de la prendre dans toute sa complexité.
Comme le rappelait encore récemment Patrick Rayou [1] : « En niant les différences, [l’école] creuse un peu plus le fossé entre ceux qui ont acquis les manières de faire et ceux qui ne les ont pas. » Joanie Cayouette-Remblière le confirme : « Les inégalités sociales s’expliquent par une inégale distance entre les dispositions sociales (manières d’être, de parler, de penser et d’agir) et la culture acquise dans la famille d’une part et les dispositions sociales et la culture valorisées à l’école d’autre part. »
Une lecture stimulante.
Nicole Priou |
Note de contenu : |
[source : 4e de couv.] Cet ouvrage présente les résultats du'une enquête sur les trajectoires scolaires des élèves entrés au collège dans les années 2000. Elle permet de comprendre les inégalités scolaires en train de se faire et leurs conséquences pour les plus démunis. |
En ligne : |
http://www.cahiers-pedagogiques.com/L-Ecole-qui-classe-530-eleves-du-primaire-au [...] |
Permalink : |
https://cs.iut.univ-tours.fr/index.php?lvl=notice_display&id=210168 |
L'école qui classe : 530 élèves du primaire au bac / BU de Lettres [document électronique] / Joanie Cayouette-Remblière (1984-...), Auteur . - Texte remanié de : Thèse de doctorat : Sociologie : Paris, EHESS : 2013 . - Paris : PUF, Presses universitaires de France - Humensis, 2016 . - 1 vol. (XII-296 p.) : ill., graph., couv. ill. en coul. ; 22 cm. - ( Le Lien social (Paris. 1997), ISSN 1285-3097) . ISBN : 978-2-13-073636-3 : 28 EUR Autre tirage : 2017. - Bibliogr. p. [275]-281. Notes bibliogr. Langues : Français ( fre)
Mots-clés : |
Classes populaires -- Éducation
Démocratisation de l'enseignement -- France -- 1990-....
Discrimination en éducation -- France -- 1990-....
Inégalité sociale -- France -- 1990-....
Écoles publiques -- France
Échec scolaire -- France -- 1990-....
Enseignement -- Efficacité -- France -- 1990-.... |
Résumé : |
Issu d’une thèse, cet ouvrage s’appuie sur la reconstitution, à partir de l’étude de leurs dossiers scolaires, des trajectoires, de la fin du primaire jusqu’au baccalauréat, de deux cohortes d’élèves entrés en 2001 et 2002 dans deux collèges ordinaires de banlieue parisienne. À l’étude quantitative et qualitative des 530 dossiers scolaires s’ajoutent les informations recueillies à partir de 26 entretiens avec des enseignants, 22 avec des élèves de la base « Cohortes » et une dizaine avec des acteurs et témoins institutionnels de l’époque concernée.
Le croisement des éclairages et l’articulation constante entre données quantitatives et qualitatives est l’un des points forts de l’ouvrage tant du côté des résultats obtenus que du côté de la lecture du livre : l’austérité des résultats – commentaires de tableaux, interprétation des statistiques – est sans cesse ponctuée de paroles d’élèves ou d’enseignants qui donnent vie, consistance et relief aux hypothèses avancées par l’auteure. Ces paroles d’élèves « marqués » et « classés » par l’école ouvrent et concluent l’ouvrage : Leila en introduction, Jennifer et Salim en conclusion. Le verdict final est redoutable : « L’école a marqué ces individus à la fois en les rendant responsables de leur situation et en entretenant chez eux les rêves de promotion sociale qui leur sont in fine inaccessibles dans un contexte économique marqué par une crise structurelle. Elle a participé à des désillusions mais a en même temps entrepris d’en renvoyer la responsabilité aux individus qu’elle a constitués comme tels. »
La recherche menée vise à rendre compte à la fois de l’empreinte acculturatrice de l’école (qui marque) et de son rôle de classement (qui démarque). Pour sociologiser ce que fait l’expansion scolaire aux individus l’auteur reprend à Guy Vincent le concept de forme scolaire (la manière spécifique dont sont transmises, dans le cadre scolaire, les connaissances légitimes) et le croise avec celui de « scolarisation totale » lié à la généralisation des parcours scolaires longs pour tous issus des deux explosions scolaires (collège unique et accès de 80 % d’une classe d’âge au Bac).
C’est dans ce contexte que l’école marque les enfants des classes populaires : elle dévalorise les emplois manuels et la condition ouvrière, inculque de nouvelles hiérarchies, fait miroiter des destinées sociales peu accessibles, les met en concurrence et les rend responsables de leur destin voire de leurs échecs.
La richesse des informations recueillies dans les dossiers scolaires conduit l’auteure à entrer dans une typologie fine des configurations de positions sociales pour ne pas les réduire à la catégorie trop vaste de « classes populaires » : c’est l’objet du chapitre 1. Le chapitre 2 présente les deux collèges étudiés et interroge sur le type de personnalité sociale promue par l’institution. Le chapitre 3 se penche sur les ruptures sociales et scolaires produites par le passage du primaire au collège. C’est le creusement des écarts en collège qu’étudie le chapitre 4 et le suivant cherche à « expliquer les inégalités de progression ». Le chapitre 6 s’intéresse à l’orientation de fin de 3e : choisie ou induite ? Les deux derniers étudient en parallèle les parcours des élèves de classes populaires en lycée général et technologique (7) ou en lycée professionnel (8).
De cette démonstration rigoureuse et implacable on retiendra que dans un contexte de « scolarisation totale » les classes populaires se sont approprié l’enjeu d’une scolarisation longue, mais pas les règles du jeu, ce qui en fait des « exclus de l’intérieur » d’une institution qui fonctionne en sanctionnant leurs dispositions non scolaires. L’enquête réalisée, si elle confirme que l’école ne parvient pas à réduire les inégalités, va encore plus loin en montrant que le système participe lui-même à leur renforcement : elles s’accroissent tout au long de la scolarité. De plus, l’école, parce qu’elle parvient à transmettre l’idéologie méritocratique, rend responsables de leur échec ceux qui n’y réussissent pas tout en entretenant leurs espoirs d’ascension sociale et en inculquant un mépris des emplois d’exécution qu’ils occuperont sans doute.
Le chapitre 5 mérite une attention toute particulière. En s’attachant à expliquer les inégalités de progression, Joanie Cayouette-Remblière en dégage trois faisceaux explicatifs. Le premier porte sur la tension entre les dispositions valorisées par la forme scolaire et les dispositions sociales des élèves, le second sur les effets de la composition des classes et le troisième sur les inégales rentabilités des mobilisations scolaires.
Si ce que l’école transmet passe par le biais de ses agents, comme nous le rappelle l’auteure, comment débusquer les pratiques inefficaces voire contre-productives ? Parmi les exemples cités : la fausse bonne idée de donner un travail suffisamment de temps à l’avance pour les élèves de classes populaires marqués par une logique de l’action à court terme, dans l’instant. Ou encore la difficulté – pour l’élève qui apprend par « voir faire et ouï dire » – de s’en tenir à la lecture et relecture des consignes avant de se lancer dans un exercice et son besoin que l’enseignant les lui redise oralement. Les hypothèses avancées – à partir de l’examen des dossiers scolaires – pourraient sans doute être croisées avec d’autres résultats de recherche issus de l’observation directe des pratiques enseignantes (ambiance de classe, qualité de la relation pédagogique et des dispositifs) ? Ce qui n’enlève rien à la rigueur et à la pertinence de l’analyse ici menée sur cette question essentielle du renforcement des inégalités, avec le souci constant de la prendre dans toute sa complexité.
Comme le rappelait encore récemment Patrick Rayou [1] : « En niant les différences, [l’école] creuse un peu plus le fossé entre ceux qui ont acquis les manières de faire et ceux qui ne les ont pas. » Joanie Cayouette-Remblière le confirme : « Les inégalités sociales s’expliquent par une inégale distance entre les dispositions sociales (manières d’être, de parler, de penser et d’agir) et la culture acquise dans la famille d’une part et les dispositions sociales et la culture valorisées à l’école d’autre part. »
Une lecture stimulante.
Nicole Priou |
Note de contenu : |
[source : 4e de couv.] Cet ouvrage présente les résultats du'une enquête sur les trajectoires scolaires des élèves entrés au collège dans les années 2000. Elle permet de comprendre les inégalités scolaires en train de se faire et leurs conséquences pour les plus démunis. |
En ligne : |
http://www.cahiers-pedagogiques.com/L-Ecole-qui-classe-530-eleves-du-primaire-au [...] |
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