Titre : |
Richard Mosse. Incoming [Lieu unique, Nantes, 2019.du 28 juin au 1er septembre 2019] |
Type de document : |
document électronique |
Auteurs : |
Richard Mosse (1980-...) , Photographe ; Patrick Gyger , Commissaire d'exposition |
Editeur : |
"Michael Mack" |
Année de publication : |
2017 |
Importance : |
576 p. |
Présentation : |
280 metallic tritone plates |
Format : |
17.5 x 19.7 cm |
Accompagnement : |
OTA-bound softback with metallic silkscreened cover and black painted edges |
ISBN/ISSN/EAN : |
978-1-910164-77-8 |
Prix : |
50 € |
Note générale : |
Incoming charts mass migration and human displacement unfolding across Europe, the Middle East and North Africa. War, persecution, climate change, and other factors have contributed to the largest migration of people since WWII.
Incoming intercepts two of the busiest and most perilous routes. One from the east, from countries such as Syria, Iraq, and Afghanistan, crossing Turkey, and arriving in the EU on the shores of Aegean islands, then passing through the Balkan corridor on the route north. The other is from the south, from countries in the Sahel region – Senegal, Mali, Nigeria, Niger, Chad, Sudan, Ethiopia, Eritrea – crossing the Sahara Desert for Libya, where they attempt to cross the Mediterranean hoping to reach Italy, often continuing north for countries such as France, Germany, the UK, and other wealthy nations.
"I used a military-grade camera designed for battlefield situational awareness and long-range border surveillance in an attempt to confront the viewer with the ways in which our governments represent – and therefore regard – the refugee. We wanted to use the technology against its intended purpose to create an immersive, humanist art form, allowing the viewer to meditate on the profoundly difficult and frequently tragic journeys of refugees.
This idea of heat, imaging heat, which we hoped would speak sideways about human displacement resulting from climate change and global warming — it also spoke more practically, even indexically, about the struggle of the refugee. Refugees literally leave the heat behind them, exposing themselves to the elements, the cold sea waves, the winter rain and the snow. Homes are replaced with tents and shelters. People die of exposure.
Light is visible heat. Light fades. Heat grows cold. People’s attention drifts. Media attention dwindles. Compassion is eventually exhausted. How do we find a way, as photographers and as storytellers, to continue to shed light on the refugee crisis, and to keep the heat on these urgent narratives of human displacement?"
— Richard Mosse, 2017 |
Mots-clés : |
migrants réfugiés camps demandeurs d'asile une caméra thermique photos et de vidéos immersives |
Résumé : |
Rendre visible ce qu’on ne veut pas voir, détourner une technologie militaire, exprimer la violence d’une situation et du regard que nous portons sur elle, pour Richard Mosse, les enjeux et les méthodes n’ont pas bougé. Il présente au Lieu unique ses deux derniers projets, entamés en 2014 : des Heat Maps (2016-18) (3), photographies tirées de la série The Castle, et Incoming (2014-17), installation vidéo. Cette fois, nous ne sommes plus au Congo, mais dans des camps de réfugiés (Grèce, Bulgarie, Allemagne, Liban) – Heat Maps –, ou le long de leur périple en mer – Incoming. Cette fois, ni rose, ni rouge, l’image, en noir et blanc, irréelle, est obtenue à l’aide d’une caméra thermique, classée équipement de guerre, « capable de détecter un corps humain à 30 km » : « une arme au sens propre » (4). Alors que cette technologie est habituellement utilisée pour surveiller les frontières de l’Europe ou ajuster, de loin, le tir d’un missile, Richard Mosse s’en sert pour nous montrer, concrètement, ce que nos gouvernements tiennent à distance : ces personnes qui, fuyant la violence d’un conflit ou les conséquences du réchauffement climatique, migrent en masse.
ÉPROUVER L’IMAGE
Les huit Heat Maps, la plupart de grand format, qui ouvrent l’exposition, sont des panoramiques, noirs, parcourus de détails, constitués à partir de plusieurs centaines d’images. On y devine de petites silhouettes blanches : les corps de réfugiés, retenus captifs dans ces camps, regroupés ou en file d’attente, au milieu de tentes entassées qui s’étalent sur tout un périmètre bien délimité. L’image est froide, clinique, imprimée nette sur papier métallique. Pour Richard Mosse, ce papier rappelle les couvertures de survie dont on entoure les rescapés. Si on prend la mesure, glaçante, de ces infrastructures, l’humain est écarté, donc tenu à distance, comme dans les faits.
Mais l’œuvre la plus troublante de l’exposition est indéniablement Incoming. La distance y est abolie. Cette vidéo d’une vingtaine de minutes, aux images légèrement ralenties, entre jeu vidéo et mauvais rêve, est projetée sur trois écrans, immenses. Le reste de l’espace est plongé dans le noir. Pour Richard Mosse, il s’agit, à ce jour, de la meilleure présentation de cette installation, notamment pour le rendu de la bande-son. Cette dernière a été composée par Ben Frost, à partir de sons enregistrés durant le tournage qui a suivi « les routes dites de la Méditerranée orientale et centrale » (5) empruntées par les réfugiés. Impossible, en effet, d’oublier la présence, parfois agressive, de ce que l’on entend – le décollage d’un avion de chasse frappe le sternum. Incoming est une œuvre physique, non pas immersive mais invasive. Dans les Heat Maps, la caméra thermique permettait, entre autres, de déceler les réfugiés entre une multitude de tentes. Dans Incoming, l’image ne s’adresse pas seulement à l’œil, elle s’éprouve. Richard Mosse ne retrace pas chronologiquement le périple de ces réfugiés. Paquebot, hélicoptère, jumelles, incendie d’un camp, mer sombre, CRS, il en extrait des moments, dont deux où le réglage de la caméra est inversé (noir pour chaud, blanc pour froid). Celui où des chirurgiens, après avoir déplié une housse cotonneuse, découpent sur un cadavre, pour identification, un morceau d’os dont la blancheur irradie de froid. Celui où un sauveteur tente, avec une infinie délicatesse, de réchauffer le corps d’un enfant repêché. On ne voit que la couverture blanche qui l’entoure, les bras noirs qui frictionnent ce qui s’y trouve, glacé par la mer. La chaleur des mains y laisse des empreintes, qui finissent par disparaître.
À l’écran, ces réfugiés sont à la fois des fantômes méconnaissables, aux yeux vides de statue, qu’on ignore, et des corps, chauds comme le nôtre. On regrette d’autant plus que les images soient de temps à autre inégales ou trop appuyées. Certains accuseront Richard Mosse d’utiliser l’arme de l’ennemi, d’instrumentaliser ou d’esthétiser la souffrance des autres, ou encore, à l’inverse, de verser dans le politiquement correct. C’est le risque encouru par ces photographes qualifiés quelquefois de « post-documentaires », dont l’esthétique, entre œuvre et document, reste ambigüe (6). Personne, pourtant, ne pourra retirer à Richard Mosse ce qu’il réussit dans certains passages d’Incoming : nous atteindre, nous toucher, et pas à moitié." Aurélie Cavanna |
Note de contenu : |
At a moment when the world is facing the world’s largest refugee and migration crisis since the Second World War, Incoming by Irish artist and Deutsche Börse Photography Prize winner Richard Mosse deals with the major humanitarian and political plight of our time, the displacement of millions due to war, persecution and climate change. With illuminating texts by Mosse and the philosopher Giorgio Agamben, the 576-page book combines film stills from the artist’s latest video work made in collaboration with electronic composer Ben Frost and cinematographer Trevor Tweeten – a haunting and searing multi-channel film installation, accompanied by a visceral soundtrack. Journeys made by refugees and migrants across the Middle East, North Africa, and Europe are captured with a new weapons-grade surveillance technology that can detect the human body from 30.3km. Blind to skin colour, this camera technology registers only the contours of relative heat difference within a given scene, foregrounding the fragile human body’s struggle for survival in hostile environments.
As Mosse writes in his essay, ‘the camera carries a certain aesthetic violence, dehumanising the subject, portraying people in zombie form as monstrous, stripping the individual from the body and portraying a human as mere biological trace.’ Alluding literally and metaphorically to hypothermia, mortality, epidemic, global warming, weapons targeting, border surveillance, xenophobia, and the ‘bare life’ of stateless people, Mosse’s use of a military telephoto camera serves as an attempt to reveal its internal logic – to see the way missiles see. Following the narrative sequence of the film, the book presents still frames from footage of a live battle inside Syria in which a US aircraft strafes IS positions on the ground, to scenes showing refugees boarding rescue boats off the coast of Libya or gathered along the shores of Turkey under cover of darkness, or making the dangerous journey through the Sahara Desert, and the burning of the Jungle refugee camp. Like the film, the artist’s book bears witness to chapters in recent world events – mediated through weapons camera technology – while also shedding light on the ethical, technological, logistical and aesthetic issues involved in creating this major new work. |
En ligne : |
https://www.artpress.com/2019/07/02/richard-mosse-incoming/ |
Permalink : |
https://cs.iut.univ-tours.fr/index.php?lvl=notice_display&id=226526 |
Richard Mosse. Incoming [Lieu unique, Nantes, 2019.du 28 juin au 1er septembre 2019] [document électronique] / Richard Mosse (1980-...)  , Photographe ; Patrick Gyger  , Commissaire d'exposition . - UK : "Michael Mack", 2017 . - 576 p. : 280 metallic tritone plates ; 17.5 x 19.7 cm + OTA-bound softback with metallic silkscreened cover and black painted edges. ISBN : 978-1-910164-77-8 : 50 € Incoming charts mass migration and human displacement unfolding across Europe, the Middle East and North Africa. War, persecution, climate change, and other factors have contributed to the largest migration of people since WWII.
Incoming intercepts two of the busiest and most perilous routes. One from the east, from countries such as Syria, Iraq, and Afghanistan, crossing Turkey, and arriving in the EU on the shores of Aegean islands, then passing through the Balkan corridor on the route north. The other is from the south, from countries in the Sahel region – Senegal, Mali, Nigeria, Niger, Chad, Sudan, Ethiopia, Eritrea – crossing the Sahara Desert for Libya, where they attempt to cross the Mediterranean hoping to reach Italy, often continuing north for countries such as France, Germany, the UK, and other wealthy nations.
"I used a military-grade camera designed for battlefield situational awareness and long-range border surveillance in an attempt to confront the viewer with the ways in which our governments represent – and therefore regard – the refugee. We wanted to use the technology against its intended purpose to create an immersive, humanist art form, allowing the viewer to meditate on the profoundly difficult and frequently tragic journeys of refugees.
This idea of heat, imaging heat, which we hoped would speak sideways about human displacement resulting from climate change and global warming — it also spoke more practically, even indexically, about the struggle of the refugee. Refugees literally leave the heat behind them, exposing themselves to the elements, the cold sea waves, the winter rain and the snow. Homes are replaced with tents and shelters. People die of exposure.
Light is visible heat. Light fades. Heat grows cold. People’s attention drifts. Media attention dwindles. Compassion is eventually exhausted. How do we find a way, as photographers and as storytellers, to continue to shed light on the refugee crisis, and to keep the heat on these urgent narratives of human displacement?"
— Richard Mosse, 2017
Mots-clés : |
migrants réfugiés camps demandeurs d'asile une caméra thermique photos et de vidéos immersives |
Résumé : |
Rendre visible ce qu’on ne veut pas voir, détourner une technologie militaire, exprimer la violence d’une situation et du regard que nous portons sur elle, pour Richard Mosse, les enjeux et les méthodes n’ont pas bougé. Il présente au Lieu unique ses deux derniers projets, entamés en 2014 : des Heat Maps (2016-18) (3), photographies tirées de la série The Castle, et Incoming (2014-17), installation vidéo. Cette fois, nous ne sommes plus au Congo, mais dans des camps de réfugiés (Grèce, Bulgarie, Allemagne, Liban) – Heat Maps –, ou le long de leur périple en mer – Incoming. Cette fois, ni rose, ni rouge, l’image, en noir et blanc, irréelle, est obtenue à l’aide d’une caméra thermique, classée équipement de guerre, « capable de détecter un corps humain à 30 km » : « une arme au sens propre » (4). Alors que cette technologie est habituellement utilisée pour surveiller les frontières de l’Europe ou ajuster, de loin, le tir d’un missile, Richard Mosse s’en sert pour nous montrer, concrètement, ce que nos gouvernements tiennent à distance : ces personnes qui, fuyant la violence d’un conflit ou les conséquences du réchauffement climatique, migrent en masse.
ÉPROUVER L’IMAGE
Les huit Heat Maps, la plupart de grand format, qui ouvrent l’exposition, sont des panoramiques, noirs, parcourus de détails, constitués à partir de plusieurs centaines d’images. On y devine de petites silhouettes blanches : les corps de réfugiés, retenus captifs dans ces camps, regroupés ou en file d’attente, au milieu de tentes entassées qui s’étalent sur tout un périmètre bien délimité. L’image est froide, clinique, imprimée nette sur papier métallique. Pour Richard Mosse, ce papier rappelle les couvertures de survie dont on entoure les rescapés. Si on prend la mesure, glaçante, de ces infrastructures, l’humain est écarté, donc tenu à distance, comme dans les faits.
Mais l’œuvre la plus troublante de l’exposition est indéniablement Incoming. La distance y est abolie. Cette vidéo d’une vingtaine de minutes, aux images légèrement ralenties, entre jeu vidéo et mauvais rêve, est projetée sur trois écrans, immenses. Le reste de l’espace est plongé dans le noir. Pour Richard Mosse, il s’agit, à ce jour, de la meilleure présentation de cette installation, notamment pour le rendu de la bande-son. Cette dernière a été composée par Ben Frost, à partir de sons enregistrés durant le tournage qui a suivi « les routes dites de la Méditerranée orientale et centrale » (5) empruntées par les réfugiés. Impossible, en effet, d’oublier la présence, parfois agressive, de ce que l’on entend – le décollage d’un avion de chasse frappe le sternum. Incoming est une œuvre physique, non pas immersive mais invasive. Dans les Heat Maps, la caméra thermique permettait, entre autres, de déceler les réfugiés entre une multitude de tentes. Dans Incoming, l’image ne s’adresse pas seulement à l’œil, elle s’éprouve. Richard Mosse ne retrace pas chronologiquement le périple de ces réfugiés. Paquebot, hélicoptère, jumelles, incendie d’un camp, mer sombre, CRS, il en extrait des moments, dont deux où le réglage de la caméra est inversé (noir pour chaud, blanc pour froid). Celui où des chirurgiens, après avoir déplié une housse cotonneuse, découpent sur un cadavre, pour identification, un morceau d’os dont la blancheur irradie de froid. Celui où un sauveteur tente, avec une infinie délicatesse, de réchauffer le corps d’un enfant repêché. On ne voit que la couverture blanche qui l’entoure, les bras noirs qui frictionnent ce qui s’y trouve, glacé par la mer. La chaleur des mains y laisse des empreintes, qui finissent par disparaître.
À l’écran, ces réfugiés sont à la fois des fantômes méconnaissables, aux yeux vides de statue, qu’on ignore, et des corps, chauds comme le nôtre. On regrette d’autant plus que les images soient de temps à autre inégales ou trop appuyées. Certains accuseront Richard Mosse d’utiliser l’arme de l’ennemi, d’instrumentaliser ou d’esthétiser la souffrance des autres, ou encore, à l’inverse, de verser dans le politiquement correct. C’est le risque encouru par ces photographes qualifiés quelquefois de « post-documentaires », dont l’esthétique, entre œuvre et document, reste ambigüe (6). Personne, pourtant, ne pourra retirer à Richard Mosse ce qu’il réussit dans certains passages d’Incoming : nous atteindre, nous toucher, et pas à moitié." Aurélie Cavanna |
Note de contenu : |
At a moment when the world is facing the world’s largest refugee and migration crisis since the Second World War, Incoming by Irish artist and Deutsche Börse Photography Prize winner Richard Mosse deals with the major humanitarian and political plight of our time, the displacement of millions due to war, persecution and climate change. With illuminating texts by Mosse and the philosopher Giorgio Agamben, the 576-page book combines film stills from the artist’s latest video work made in collaboration with electronic composer Ben Frost and cinematographer Trevor Tweeten – a haunting and searing multi-channel film installation, accompanied by a visceral soundtrack. Journeys made by refugees and migrants across the Middle East, North Africa, and Europe are captured with a new weapons-grade surveillance technology that can detect the human body from 30.3km. Blind to skin colour, this camera technology registers only the contours of relative heat difference within a given scene, foregrounding the fragile human body’s struggle for survival in hostile environments.
As Mosse writes in his essay, ‘the camera carries a certain aesthetic violence, dehumanising the subject, portraying people in zombie form as monstrous, stripping the individual from the body and portraying a human as mere biological trace.’ Alluding literally and metaphorically to hypothermia, mortality, epidemic, global warming, weapons targeting, border surveillance, xenophobia, and the ‘bare life’ of stateless people, Mosse’s use of a military telephoto camera serves as an attempt to reveal its internal logic – to see the way missiles see. Following the narrative sequence of the film, the book presents still frames from footage of a live battle inside Syria in which a US aircraft strafes IS positions on the ground, to scenes showing refugees boarding rescue boats off the coast of Libya or gathered along the shores of Turkey under cover of darkness, or making the dangerous journey through the Sahara Desert, and the burning of the Jungle refugee camp. Like the film, the artist’s book bears witness to chapters in recent world events – mediated through weapons camera technology – while also shedding light on the ethical, technological, logistical and aesthetic issues involved in creating this major new work. |
En ligne : |
https://www.artpress.com/2019/07/02/richard-mosse-incoming/ |
Permalink : |
https://cs.iut.univ-tours.fr/index.php?lvl=notice_display&id=226526 |
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