[article]
Titre : |
L'image et la vérité |
Type de document : |
texte imprimé |
Auteurs : |
Gérard Wajcman, Auteur |
Année de publication : |
2003 |
Article en page(s) : |
pp. 57-71 |
Note générale : |
"Désormais, toute image a un sens, c’est-à-dire qu’elle signifie toujours autre chose que ce qu’elle dit et montre. Cela fonde sous nos latitudes la passion de l’image, que Marie-José Mondzain nomme à la lettre, disant que ce qui est propre à l’Occident, c’est « l’appropriation par la pensée chrétienne de la Passion qui déplaça totalement la question de l’expressivité du discours pour le situer au cœur de l’image. La Passion devint le récit qui raconta comment l’image invisible est devenue visible, comment l’image déchue a été sauvée, comment le sacrifice d’un corps a contribué à l’avènement de la chair rédimée ». |
Langues : |
Français (fre) |
Mots-clés : |
vérité image illusion invisible visible 20e siècle irreprésentable absence horreur Lacan psychanalyse chambres à gaz art |
Résumé : |
Il y avait une vérité platonicienne de l'image : une illusion qui dit qu'elle est une illusion. Il ya vait une vérité chrétienne de l'imge : l'invisible devenu visible. Une autre vérité est surgie au XXè siècle : ce qui fonde l'image, c'est l'irreprésentable, absence ou horreur. Lacan a formulé ça pour la psychanalyse : le secret de l'image c'est la castration. Cette vérité a eu un nom dans le siècle : les chambres à gaz. L'art a pris en charge cette vérité.[résumé d'éditeur] |
Note de contenu : |
"Ce sur quoi je veux insister, c’est que la question de l’irreprésentable n’emporte absolument pas une pensée sur la fin de la représentation. Si on parle des chambres à gaz et d’extermination irreprésentables, cela veut dire que nulle image, nul récit ne seraient à sa mesure parce que le réel est en excès sur tout dire et tout visible. Mais si, dans la Shoah, rien n’a eu lieu que « l’horreur du rien » (Lacoue-Labarthe), il ne s’ensuit pas l’anéantissement de la représentation, que toute représentation, quelle que soit la manière de l’entendre, serait périmée. L’absence, le manque ou la disparition – pour reprendre le titre du roman de Perec, à qui toutes ces questions étaient tout sauf étrangères – ne se soustraient pas à la logique de la représentation. La représentation retrouve son sens premier : non pas une reproduction, elle-même soumise aux limites d’un « point de vue », mais un geste qui fait venir à la présence, une présentation. Ce que je peux ajouter, c’est que l’objet dont je parle, comme positivation du manque, c’est celui-là même que la psychanalyse définit comme objet.
31Cependant, en ce qui concerne ce qu’on nomme l’objet, tout cela relance la réflexion sur le visible et la vérité des images parce que, comme le souligne Rancière, pour Godard, l’image est empreinte de la présence. En quoi on retrouve ici l’idée que l’image est retendue par quelque chose. Mais traiter l’image comme empreinte de la présence, l’idée que ce sont les « icônes de la présence » que le cinéma « projette » (Rancière), si cela s’oppose à la fiction illusionniste, c’est par une voie que je tiens donc pour religieuse. C’est-à-dire qu’il y en a une autre qui est, en un sens, la voie moderne comme telle, soit ce que Rancière appelle « l’illusionnisme revendiqué » et qui consiste dans une « célébration purement humaine de l’artifice », soit un artifice montré comme artifice. Ce serait l’idée mallarméenne d’une fiction déliée du symbole, de la ressemblance et de l’incarnation, déliée donc en ce sens de toute religiosité.
32L’art du xxe siècle, je le désignerais comme un art anti-transposition, ce dont on peut garder les initiales : un art at. L’art du xxe siècle serait un art qui montrerait non plus l’empreinte de la présence, mais l’empreinte de l’absence, qui montrerait l’absence de l’au-delà – ce qui ne revient pas au même que l’absence d’au-delà, que la platitude du plan, mais qui donne l’absence comme vérité et cause positives de la représentation." |
En ligne : |
https://www.cairn.info/revue-savoirs-et-cliniques-2003-2-page-57.htm |
Permalink : |
https://cs.iut.univ-tours.fr/index.php?lvl=notice_display&id=270979 |
in Savoirs et clinique : revue de psychanalyse > n°3 (2003) . - pp. 57-71
[article] L'image et la vérité [texte imprimé] / Gérard Wajcman, Auteur . - 2003 . - pp. 57-71. "Désormais, toute image a un sens, c’est-à-dire qu’elle signifie toujours autre chose que ce qu’elle dit et montre. Cela fonde sous nos latitudes la passion de l’image, que Marie-José Mondzain nomme à la lettre, disant que ce qui est propre à l’Occident, c’est « l’appropriation par la pensée chrétienne de la Passion qui déplaça totalement la question de l’expressivité du discours pour le situer au cœur de l’image. La Passion devint le récit qui raconta comment l’image invisible est devenue visible, comment l’image déchue a été sauvée, comment le sacrifice d’un corps a contribué à l’avènement de la chair rédimée ». Langues : Français ( fre) in Savoirs et clinique : revue de psychanalyse > n°3 (2003) . - pp. 57-71
Mots-clés : |
vérité image illusion invisible visible 20e siècle irreprésentable absence horreur Lacan psychanalyse chambres à gaz art |
Résumé : |
Il y avait une vérité platonicienne de l'image : une illusion qui dit qu'elle est une illusion. Il ya vait une vérité chrétienne de l'imge : l'invisible devenu visible. Une autre vérité est surgie au XXè siècle : ce qui fonde l'image, c'est l'irreprésentable, absence ou horreur. Lacan a formulé ça pour la psychanalyse : le secret de l'image c'est la castration. Cette vérité a eu un nom dans le siècle : les chambres à gaz. L'art a pris en charge cette vérité.[résumé d'éditeur] |
Note de contenu : |
"Ce sur quoi je veux insister, c’est que la question de l’irreprésentable n’emporte absolument pas une pensée sur la fin de la représentation. Si on parle des chambres à gaz et d’extermination irreprésentables, cela veut dire que nulle image, nul récit ne seraient à sa mesure parce que le réel est en excès sur tout dire et tout visible. Mais si, dans la Shoah, rien n’a eu lieu que « l’horreur du rien » (Lacoue-Labarthe), il ne s’ensuit pas l’anéantissement de la représentation, que toute représentation, quelle que soit la manière de l’entendre, serait périmée. L’absence, le manque ou la disparition – pour reprendre le titre du roman de Perec, à qui toutes ces questions étaient tout sauf étrangères – ne se soustraient pas à la logique de la représentation. La représentation retrouve son sens premier : non pas une reproduction, elle-même soumise aux limites d’un « point de vue », mais un geste qui fait venir à la présence, une présentation. Ce que je peux ajouter, c’est que l’objet dont je parle, comme positivation du manque, c’est celui-là même que la psychanalyse définit comme objet.
31Cependant, en ce qui concerne ce qu’on nomme l’objet, tout cela relance la réflexion sur le visible et la vérité des images parce que, comme le souligne Rancière, pour Godard, l’image est empreinte de la présence. En quoi on retrouve ici l’idée que l’image est retendue par quelque chose. Mais traiter l’image comme empreinte de la présence, l’idée que ce sont les « icônes de la présence » que le cinéma « projette » (Rancière), si cela s’oppose à la fiction illusionniste, c’est par une voie que je tiens donc pour religieuse. C’est-à-dire qu’il y en a une autre qui est, en un sens, la voie moderne comme telle, soit ce que Rancière appelle « l’illusionnisme revendiqué » et qui consiste dans une « célébration purement humaine de l’artifice », soit un artifice montré comme artifice. Ce serait l’idée mallarméenne d’une fiction déliée du symbole, de la ressemblance et de l’incarnation, déliée donc en ce sens de toute religiosité.
32L’art du xxe siècle, je le désignerais comme un art anti-transposition, ce dont on peut garder les initiales : un art at. L’art du xxe siècle serait un art qui montrerait non plus l’empreinte de la présence, mais l’empreinte de l’absence, qui montrerait l’absence de l’au-delà – ce qui ne revient pas au même que l’absence d’au-delà, que la platitude du plan, mais qui donne l’absence comme vérité et cause positives de la représentation." |
En ligne : |
https://www.cairn.info/revue-savoirs-et-cliniques-2003-2-page-57.htm |
Permalink : |
https://cs.iut.univ-tours.fr/index.php?lvl=notice_display&id=270979 |
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